Analyse de l'arrêt TF 4A_481/2024

Marie-Laure Percassi, Docteure en droit, collaboratrice scientifique à l'Université de Neuchâtel et avocate

La résiliation du contrat de bail dans le but de vendre le bien («Leerverkaufskündigung»)

I. Objet de l’arrêt

L’arrêt 4A_481/2024 porte sur une résiliation du contrat de bail dans le but de vendre un logement inoccupé (« Leerverkaufskündigung ») et expose les conditions auxquelles un tel congé peut être qualifié d’abusif.

II. Résumé de l’arrêt

A. Les faits

A. (locataire et recourant) a pris à bail un appartement d’une pièce situé dans la Rue U. à V. pour un loyer mensuel de CHF 665.-, auquel s’ajoute un acompte de charges de CHF 125.-. A. utilise cet appartement comme logement de vacances. Le 9 décembre 2021, B. AG. (bailleresse et intimée) a informé le locataire qu’elle était la nouvelle propriétaire du bien loué. Au printemps 2022, la bailleresse a demandé au locataire s’il était intéressé à acheter l’appartement. Par courrier du 8 juillet 2022, elle l’a informé que l’appartement était mis en vente. Par formulaire officiel du 8 février 2023, elle a résilié le bail pour le 31 mai 2023. Sur demande du locataire, la bailleresse a indiqué par écrit le 21 février 2023 que le motif de résiliation était « rénovation de l’appartement et vente ultérieure ».

Le locataire a contesté cette résiliation auprès l’autorité de conciliation en matière de bail du canton de Bâle-Ville. Faute de conciliation, il a saisi le tribunal civil du canton de Bâle-Ville en demandant qu’il soit constaté que la résiliation contrevenait aux règles de la bonne foi. Subsidiairement, le bail devait être prolongé de quatre ans. Le bailleur a conclu au rejet de la demande et a demandé, à titre reconventionnel, qu’il soit ordonné au locataire de restituer l’appartement entièrement libéré.

Par jugement du 11 décembre 2023, le tribunal civil a constaté la validité du congé, a rejeté la demande de prolongation et a condamné le locataire à libérer l’appartement au 5 janvier 2024 à 11h30.

Le 18 juillet 2024, la Cour d’appel du canton de Bâle-Ville a rejeté l’appel du locataire contre cette décision.

Le locataire a recouru contre cette décision au Tribunal fédéral.

B. Le droit

Le tribunal de première instance a considéré que la résiliation n’était ni un congé pour assainir l’appartement au sens strict ni un congé dans le seul but d’amener le locataire à acheter l’appartement loué. Elle a retenu que la bailleresse avait, depuis le début, l’intention de vendre l’appartement. Il était notoire que les appartements en PPE se vendaient plus facilement lorsqu’ils n’étaient pas occupés par un locataire. Le fait que la bailleresse n’avait pas encore de projet concret d’assainissement ne rendait pas la résiliation abusive (consid. 3.1). En outre, le tribunal de première instance a estimé que le recourant n’avait pas prouvé que la résiliation avait été donnée dans le seul but de l’amener à acheter l’appartement. En outre, une prolongation du bail ne se justifiait pas, car la résiliation n’entraînait aucune conséquence pénible pour le locataire (consid. 3.2).

Le Tribunal fédéral rappelle que la résiliation ordinaire du contrat de bail ne nécessite aucun motif particulier (art. 266a al. 1 CO). Un congé est toutefois annulable (art. 271 al. 1 CO) lorsqu’il est contraire à la bonne foi – c’est-à-dire lorsqu’il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection et qu’il apparaît ainsi purement chicanier ou consacrant une disproportion crasse entre les intérêts des parties (ATF 148 III 215, consid. 3.1.1 s. ; 145 III 143, consid. 3.1) (consid. 4).

Le recourant fait valoir que la résiliation est un congé à des fins d’assainissement abusif (consid. 5).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la résiliation en vue de travaux de transformation ou d’assainissement qui restreignent considérablement la poursuite de l’utilisation de l’objet loué n’est pas contraire au principe de la bonne foi. En revanche, si les travaux prévus ne sont pas ou peu entravés ou retardés par la présence du locataire dans l’objet loué, le bailleur n’a pas de raison digne de protection de résilier malgré tout le bail (ATF 140 III 496, consid. 4.1 ; 135 III 112, consid. 4.2 ; TF, 29.10.2024, 4A_473/2024, consid. 4.1). Un tel congé est également abusif lorsque le bailleur ne dispose pas, au moment de la résiliation, d’un projet suffisamment mûr et élaboré pour permettre au locataire d’évaluer si son maintien dans les lieux rendrait plus difficile l’exécution des travaux envisagés ou si une évacuation de l’objet loué est nécessaire (ATF 148 III 215, consid. 3.2 et réf. cit.) (consid. 5.1).

Le recourant expose que le motif de résiliation était « rénovation de l’appartement et vente ultérieure ». Il en déduit que la bailleresse voulait d’abord assainir le logement puis le vendre. Or elle n’a pas présenté de plan d’assainissement, de sorte que le congé devait être qualifié d’abusif. En outre, elle expose que la bailleresse avait vendu un autre logement dans le même immeuble sans l’avoir rénové, ce qui est un indice supplémentaire du caractère abusif du congé.

L’instance précédente a estimé que la résiliation n’était pas en premier lieu motivée par la volonté d’assainir le logement. Elle a relevé que la bailleresse avait déjà vendu deux logements dans le même immeuble. Le premier a été assaini puis vendu ; le deuxième a été vendu, mais était en attente de rénovation en raison d’un bail prolongé jusqu’en été 2024. L’instance précédente a souligné qu’un assainissement du troisième appartement – celui occupé par le recourant – n’était pas envisageable tant que ce dernier y logeait. La bailleresse avait donc, dès le début et en premier lieu, l’intention de vendre l’appartement. L’autorité de deuxième instance se réfère au surplus à différents autres éléments démontrant que la volonté première de la bailleresse n’était pas de rénover les appartements, mais de les vendre, de préférence assainis (consid. 5.3.2).

Le Tribunal fédéral rejette les arguments avancés par le recourant contre cette constatation. Il considère que l’instance précédente a interprété de manière convaincante le motif de résiliation. Dans la mesure où cette dernière a estimé que la résiliation n’avait pas été donnée dans le but d’assainir l’appartement, elle n’avait pas à examiner s’il existait un projet suffisamment mûr et élaboré. En tout état de cause, le recourant ne démontre pas non plus devant le Tribunal fédéral que l’intimée aurait manqué d’une volonté sérieuse d’assainissement (consid. 5.4).

Le recourant fait ensuite valoir que la bailleresse aurait dû prouver que la vente d’un appartement inoccupé permettait réellement d’en tirer un meilleur prix (consid. 6). Il se fonde sur l’arrêt 4A_475/2015, dans lequel le Tribunal fédéral n’a pas retenu qu’un appartement inoccupé pouvait se vendre à de meilleures conditions, mais qu’il faut au contraire tenir compte des spécificités du cas d’espèce. Un tel constat n’était en aucun cas notoire (consid. 6.1).

Selon la jurisprudence fédérale, une résiliation pour de purs motifs économiques n’est pas fondamentalement condamnable (ATF 148 III 215, consid. 3.1.1 ; 136 III 190, consid. 2 ; 120 II 105, consid. 3b/bb ; TF, 06.08.2024, 4A_70/2024, consid. 4.1 ; 02.05.2017, 4A_19/2016, consid. 4.2 ; 13.12.2016, 4A_293/2016, consid. 5.2.1 et 5.2.3, non publiés in : ATF 143 III 15 ; 19.05.2016, 4A_475/2015, consid. 4.3). La résiliation pour motifs économiques concerne deux cas : la résiliation donnée par le bailleur pour optimiser le rendement de son bien (« Ertragsoptimierungskündigung » ; sur l’admissibilité d’une telle résiliation, voir ATF 136 III 190, consid. 2 ; 136 III 74, consid. 2.1 ; 120 II 105, consid. 3b) et la résiliation donnée en vue d’en tirer un meilleur profit lors de la vente (« Leerverkaufskündigung ») (consid. 6.2.1).

La résiliation dans le seul but d’amener le locataire à acheter l’appartement loué (art. 271a al. 1 let. c CO ; « congé-vente ») se distingue de la « Leerverkaufskündigung » dans la mesure où, en cas de congé-vente, l’achat du logement est uniquement proposé au locataire, et non à un tiers. Un tel congé est uniquement abusif si le bailleur veut inciter le locataire à acheter. Il doit exister une relation de causalité adéquate entre la résiliation et la volonté du bailleur de vendre l’appartement au locataire dont le bail a été résilié. Un tel lien fait défaut lorsque le motif du congé ne consiste pas uniquement à inciter le locataire à acheter, mais repose sur la volonté de vendre l’appartement à n’importe quel tiers ou de le proposer au même prix en priorité au locataire puis à n’importe quel tiers. La charge de la preuve du lien de causalité adéquate incombe au locataire (TF, 05.09.2019, 4A_33/2019, consid. 4.1.4) (consid. 6.2.3).

Dans l’arrêt 4A_475/2015 du 19 mai 2016, le Tribunal fédéral a exposé au consid. 4.4 ce qui suit : « Force est ainsi de constater que le Tribunal fédéral n’a pas établi de règle abstraite pour le cas où la résiliation est donnée en vue d’en tirer un meilleur profit lors de la vente. Il n’a pas retenu que tout appartement sans occupant se vendrait plus cher, mais a recherché dans chaque cas particulier si, au vu des faits constatés par l’instance cantonale, un abus de droit était réalisé ou non ; il est précisé que, dans le cadre de cet examen, il n’y a en principe pas lieu de procéder à la pesée des intérêts du bailleur et du locataire [...]. Le juge peut toutefois examiner s’il existe une disproportion évidente entre les intérêts en présence, soit ceux purement financiers du bailleur et le problème particulièrement pénible sur le plan humain causé au locataire par la résiliation, puisqu’il s’agit là d’un cas d’abus de droit pouvant entrer en ligne de compte ». Cette jurisprudence a été confirmée dans l’arrêt 4A_485/2018 du 8 avril 2019 (consid. 6.3.1).

Dans le cas présent, l’autorité précédente a déduit à juste titre de cette jurisprudence qu’il n’existait pas de présomption selon laquelle un appartement non loué se vendrait toujours à de meilleures conditions. Elle s’est en outre référée de façon convaincante à l’arrêt 4A_484/2012 du 28 février 2013, dans lequel le Tribunal fédéral a estimé qu’il était évident que la vente sans bail était plus simple lorsqu’il s’agissait d’un seul appartement qui serait probablement vendu à quelqu’un qui souhaitait l’habiter lui-même (consid. 6.3.2).

Le Tribunal fédéral relève qu’il ne résulte pas de la jurisprudence fédérale précitée que l’intimée devait prouver en l’espèce qu’elle pourrait effectivement vendre l’appartement d’une pièce non loué à de meilleures conditions. La première instance aurait expliqué qu’il est notoire que les appartements non loués se vendent mieux, car cela permet d’éviter de longues procédures concernant la résiliation et la prolongation du bail. Cette considération – selon l’instance inférieure – ne sert que d’explication compréhensible au souhait légitime de l’intimée de vendre l’appartement sans locataire. Même si l’intimée n’a pas motivé davantage sa décision de vendre l’appartement sans locataire devant la première instance, il n’y a pas pour autant résiliation abusive (consid. 6.3.3). En outre, le Tribunal fédéral souligne qu’il incombe au destinataire du congé de prouver que celui-ci a été donné pour un motif abusif ou sans motif digne de protection (ATF 148 III 215, consid. 3.1.5 ; 145 III 143, consid. 3.1), ce que le recourant ne démontre pas (consid. 6.3.4).

Le Tribunal fédéral revient ensuite sur plusieurs de ses arrêts relatifs à la « Leerverkaufskündigung » et indique que de tels congés ont été validés dans de nombreuses décisions (TF, 09.09.2019, 4A_315/2019, consid. 2 ; 05.09.2019, 4A_33/2019, consid. 4.3 ; 19.05.2016, 4A_475/2015, consid. 5.1 s. ; 28.02.2013, 4A_484/2012, consid. 2.3 ; 12.11.2007, 4A_322/2007, consid. 5 et 6 ; 09.03.2005, 4C.425/2004, consid. 1 ; 08.09.2004, 4C.176/2004, consid. 2 ; 18.11.2002, 4C.267/2002, consid. 2.3) (consid. 6.4.1). La présente situation s’inscrit dans ces cas, et est notamment comparable aux affaires 4A_322/2007 et 4A_484/2012. En revanche, elle se distingue fondamentalement des situations dans lesquelles le Tribunal fédéral a admis l’existence d’une disproportion évidente entre les intérêts en présence et a exceptionnellement qualifié le congé d’abusif, notamment de l’arrêt 4A_300/2010 (les locataires étaient dans une situation de vie difficile, vivaient depuis 38 ans dans l’appartement, et le bailleur – qui possédait d’autres appartements à Genève – n’avait pas démontré qu’il lui était impossible de donner congé à d’autres locataires qui auraient été moins pénalisés par une résiliation) et l’arrêt 4A_485/2018 (le locataire, beau-frère du bailleur, était gravement atteint dans sa santé et l’appartement avait été aménagé pour les personnes handicapées, et le propriétaire avait résilié le bail uniquement pour ne plus assumer certaines tâches minimales liées à sa position de bailleur-propriétaire) (consid. 6.4.3).

Dans le cas présent, le locataire utilise l’appartement d’une pièce comme domicile de vacances. L’intimée lui a demandé très tôt s’il était intéressé par un achat et a ensuite mis l’appartement en vente de manière générale. L’intimée a acquis trois appartements dans l’immeuble en question, dont le premier a été rénové et vendu. Elle n’a pas rénové le deuxième appartement en raison d’un bail prolongé. Elle entend également rénover l’appartement d’une pièce litigieux et le vendre ensuite. Dans ces circonstances, l’instance précédente pouvait nier le caractère abusif du congé.

III. Analyse

Lorsqu’une partie bailleresse et propriétaire souhaite vendre un appartement occupé par un∙e locataire, plusieurs choix s’offrent à elle : elle peut notamment proposer l’achat du logement à un (ou des) tiers et résilier le bail (a), proposer l’achat du logement à la partie locataire et à un (ou des) tiers et résilier le bail (b), ou ne pas résilier le bail et vendre le logement occupé (c). L’arrêt résumé ci-dessus permet d’illustrer les incidences juridiques de ces trois alternatives.

a) Proposition d’achat à un (ou des) tiers et résiliation du contrat de bail

Premièrement, la personne propriétaire peut choisir de résilier le contrat de bail avant de vendre le bien (« Leerkaufskündigung »), en proposant l’achat à des tiers, mais pas au locataire. Dans ce cas, la partie locataire peut contester le congé sur la base de l’art. 271 al. 1 CO (congé contraire aux règles de la bonne foi). En revanche, elle ne peut pas invoquer l’art. 271a al. 1 let. c CO, vu qu’il ne lui a pas été proposé d’acheter le bien.

Selon la jurisprudence, un congé est en particulier annulable en vertu de l’art. 271 al. 1 CO en cas de disproportion évidente entre les intérêts des parties au contrat de bail (ATF 148 III 215, consid. 3.1.1 s. ; 145 III 143, consid. 3.1). Comme le démontre les jurisprudences citées dans l’arrêt 4A_481/2024, les cas où une telle disproportion est retenue lorsque la partie bailleresse souhaite vendre un logement inoccupé sont rares, et concernaient des locataires se trouvant dans des situations de vie particulièrement difficiles (relevons notamment que, dans les deux arrêts cités où l’abus de droit a été retenu – à savoir l’arrêt 4A_300/2010 et l’arrêt 4A_485/2018 – un ou plusieurs occupants de l’appartement étai(en)t gravement atteint(s) dans leur santé).

Même si le congé n’est pas contraire à la bonne foi, la partie locataire conserve la possibilité de demander une prolongation du bail en vertu de l’art. 272 CO. Sur ce point, l’arrêt 4A_481/2024 diffère des autres arrêts du Tribunal fédéral dans lesquels une résiliation en vue de vendre le logement inoccupé a été considérée comme non abusive (TF, 09.09.2019, 4A_315/2019, consid. 2 ; 05.09.2019, 4A_33/2019, consid. 4.3 ; 19.05.2016, 4A_475/2015, consid. 5.1 s. ; 28.02.2013, 4A_484/2012, consid. 2.3 ; 12.11.2007, 4A_322/2007, consid. 5 et 6 ; 09.03.2005, 4C.425/2004, consid. 1 ; 08.09.2004, 4C.176/2004, consid. 2 ; 18.11.2002, 4C.267/2002, consid. 2.3). Dans toutes ces décisions, des prolongations ont été accordées à la partie locataire, alors que tel n’a pas été le cas dans l’arrêt 4A_481/2024. Le locataire avait pourtant demandé une prolongation de quatre ans dans sa demande, qui avait été rejetée par la première instance. Ce point n’a pas été soulevé devant le Tribunal fédéral, qui n’a donc pas été amené à se pencher sur cette question. Le fait que l’appartement loué servait de logement de vacances au locataire a certainement joué un rôle dans l’absence d’octroi d’une prolongation.

b) Proposition d’achat à la partie locataire ainsi qu’à un (ou des) tiers et résiliation du contrat de bail

Deuxièmement, la personne propriétaire peut choisir de résilier le contrat de bail et de vendre le bien, en proposant l’achat tant à la partie locataire qu’à des tiers.

Si la partie locataire accepte d’acheter, aucune résiliation ne sera nécessaire. En effet, selon l’art. 261 al. 1 CO, le bail passe à la personne qui acquière la chose louée. La qualité de partie locataire et de partie bailleresse se trouvent donc réunies dans la même personne, de sorte que l’obligation s’éteint par confusion (art. 118 al. 1 CO) (voir, en matière de bail à ferme, ATF 118 II 441, consid. 2b, JdT 1993 I p. 651). Il n’y aura donc pas de congé à contester. La partie locataire peut également refuser l’offre de la partie bailleresse, de sorte que celle-ci proposera l’achat du logement à un tiers et résiliera le contrat (ce qui est à nouveau une hypothèse de « Leerkaufskündigung »). C’est le cas de figure qui s’est présenté dans l’arrêt qui fait l’objet de la présente analyse. Ce choix ouvre la porte à une contestation de la résiliation par la partie locataire sur la base de la clause générale de l’art. 271 al. 1 CO (congé contraire aux règles de la bonne foi, situation déjà présentée ci-dessus). Il est également bien entendu possible, pour la partie locataire, de demande une prolongation du bail (art. 272 ss CO).

Dans cette situation, la partie locataire peut en outre tenter de contester le congé sur la base du cas particulier prévu par l’art. 271a al. 1 let. c CO (congé-vente), dans la mesure où l’achat de l’appartement lui a été proposé. Toutefois, comme le souligne le Tribunal fédéral dans l’arrêt résumé ci-dessus (consid. 6.2.3 et réf. cit.), l’application de l’art. 271a al. 1 let. c CO suppose l’existence d’une relation de causalité adéquate entre la résiliation et la volonté de la partie bailleresse de vendre l’appartement à la partie locataire dont le bail a été résilié. Le fardeau de la preuve du lien de causalité repose sur la partie locataire. Même si une preuve par indices est possible, la démonstration du lien de causalité entre la résiliation et la volonté de la partie bailleresse de vendre l’appartement à la partie locataire semble, de manière générale, être le principal obstacle à l’application de l’art. 271a al. 1 let. c CO (CR CO I-LACHAT/BOHNET, 3e éd., Bâle 2021, art. 271a CO N 12). A lire la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce lien fait en particulier défaut lorsque la partie bailleresse propose l’achat, au même prix, en priorité à la partie locataire puis ensuite à des tiers (TF, 4A_481/2024, 03.12.2024, consid. 6.2.3 et réf. cit.). Ainsi, lorsque tant la partie locataire que des tiers sont invités à acheter l’appartement, une contestation du congé fondée sur l’art. 271a al. 1 let. c CO n’aura pas de chances d’aboutir (à moins de circonstances particulières, par exemple si la proposition d’achat à la partie locataire n’a pas été faite aux mêmes conditions qu’aux tiers).

c) Vente du bien occupé (c’est-à-dire sans résiliation préalable du contrat de bail)

Troisièmement, la partie bailleresse et propriétaire peut décider de vendre l’appartement occupé, sans résilier le contrat de bail (ce qui, comme mentionné dans l’arrêt 4A_481/2024, aura certainement une influence négative sur le prix de vente s’il s’agit d’un appartement individuel).

La décision de résilier le contrat de bail – et, avec elle, le risque d’une contestation de la résiliation et/ou d’une demande de prolongation de bail – se reporte donc sur la nouvelle partie bailleresse ayant acquis le logement. Il se peut que cette dernière ait acquis l’appartement comme bien de rendement, auquel cas elle ne souhaitera pas nécessairement résilier le contrat de bail avec la partie locataire. Il est également envisageable que la nouvelle partie bailleresse souhaite elle-même occuper le logement ou en faire bénéficier ses proches. Pour ce faire, elle devra résilier le contrat de bail. Dans cette hypothèse, en cas de demande de prolongation bail par la partie locataire, la partie bailleresse pourra invoquer son besoin propre (ou celui de ses proches) d’utiliser le logement et l’urgence de ce besoin – élément dont le tribunal devra tenir compte dans la pesée des intérêts pour décider si une prolongation doit être accordée (art. 272 al. 2 let. d CO).

Résiliation

Résiliation