TF 4A_388/2016 du 15 mars 2017

Résiliation; congé donné en raison du placement de la locataire en EMS; non contraire à la bonne foi; art. 266a, 271, 271a CO; 2 CC

La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l’existence d’un motif de congé particulier ; le bailleur peut donc congédier le locataire pour exploiter son bien de la façon la plus conforme à ses intérêts ; la seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi ; dans ce cadre, le motif de congé revêt une importance décisive ; pour se prononcer sur la validité du congé, le juge doit se placer au moment où la résiliation a été notifiée ; des faits ultérieurs ne peuvent pas influer a posteriori sur cette qualification, mais peuvent tout au plus fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de résilier ; il appartient au locataire qui demande l’annulation du congé de prouver les circonstances permettant de déduire qu’il contrevient aux règles de la bonne foi, le bailleur devant toutefois collaborer en indiquant le motif de congé et, en cas de contestation, fournir les éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif (c. 3).

En l’espèce, la bailleresse a résilié le bail le 30 octobre 2013 ; elle a par la suite motivé le congé par le fait que la locataire était placée de manière définitive en EMS ; pour juger si le congé est contraire à la bonne foi, il ne s’agit pas de déterminer si la locataire était effectivement placée définitivement en EMS au moment du congé, mais si la bailleresse pouvait légitimement déduire des éléments dont elle avait connaissance le 30 octobre 2013 que la locataire ne reviendrait plus dans son logement ; il ressort de deux courriers rédigés par la fille de la locataire aux mois de juillet et août 2013, que la locataire, une personne âgée, était hospitalisée depuis plusieurs mois et que son état de santé la rendait dépendante d’une aide externe que sa fille s’offrait de lui prodiguer en cas de retour à son domicile ; la lettre du mois d’août n’évoquait plus un éventuel retour de la locataire dans son appartement et indiquait que la fille s’y était installée avec ses enfants de manière pérenne ; la bailleresse pouvait raisonnablement en déduire que la locataire ne réintégrerait pas l’appartement loué et, partant, résilier le bail ; certes, elle aurait pu chercher à recueillir de plus amples informations sur la situation de la locataire avant de donner congé ; cela ne suffit toutefois pas à conclure à sa mauvaise foi ; en outre, bien que le placement en EMS n’ait pas été définitif au moment du congé le 30 octobre 2013, et bien que la locataire soit revenue à plusieurs reprises et régulièrement dans son appartement pour y passer du temps avec sa famille sans jamais y dormir, cela ne suffit pas pour retenir que la bailleresse se serait servie d’un prétexte pour résilier ; en effet, le placement en EMS n’est en principe pas conçu comme une solution provisoire dans l’attente d’un rétablissement permettant un retour à domicile lorsqu’il intervient, comme en l’espèce, pour une personne âgée à la suite d’une longue hospitalisation ; on ne peut donc pas reprocher à la bailleresse de s’être laissée aller à de pures conjectures dépourvues de fondement concret, sur la base des éléments qui avaient été portés à sa connaissance ; le congé doit donc être validé (c. 4).

Résiliation

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