TF 1C_123/2017 du 23 novembre 2017
Droit public; régime de l’autorisation en cas de transformation d’une société immobilière d’actionnaires-locataires en PPE; primauté du droit privé fédéral; fraude à la loi; art. 39 LDTR/GE; 2, 641 al. 1 CC; 5 al. 3, 9, 49 al. 1 Cst.
Selon la loi genevoise sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR), l’aliénation d’un appartement jusque-là offert à la location est soumise à autorisation dans la mesure où ledit appartement entre dans une catégorie de logements pour lesquels sévit la pénurie ; le but poursuivi, qui procède d’un intérêt public important et reconnu, est de préserver l’habitat et les conditions de vie existants ; cette réglementation est conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété, dans la mesure où l’autorité administrative a effectué une pesée des intérêts en présence et évalué l’importance du motif de refus au regard des intérêts privés en jeu ; cette réglementation doit par ailleurs s’appliquer à tous les types d’aliénation ; en l’espèce, l’immeuble litigieux était à l’origine propriété d’une SI et les appartements étaient affectés à la location ; la SI a ensuite vendu 29 certificats d’actions donnant le droit à leurs détenteurs de louer une partie de l’immeuble ; puis, quelques semaines plus tard, l’immeuble a été soumis au régime de la propriété par étages en vue de transférer aux actionnaires-locataires la propriété des lots correspondant aux certificats ; une telle opération impliquait un changement dans le régime de propriété, avec pour but l’individualisation des appartements, ce qui pouvait justifier d’exiger une autorisation au sens de la LDTR (consid. 3.2).
Les cantons sont libres d’édicter des mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif, notamment en soumettant à autorisation les aliénations de logements offerts à la location ou en imposant un contrôle des loyers ; ces dispositions ne sont en principe pas contraires aux règles du droit civil fédéral qui régissent la vente et le contrat de bail ni à celles relatives à la PPE ; cela vaut quel que soit le mode d’aliénation, partant également lors de la liquidation d’une SIAL (consid. 3.3).
Il y a fraude à la loi lorsqu’un justiciable évite l’application d’une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d’une autre norme permettant d’aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit ; la norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner ; ces principes s’appliquent aussi dans le domaine du droit administratif ; l’abus de droit, pour être sanctionné, doit être manifeste ; ainsi, lorsqu’une SIAL est créée et qu’elle est ensuite rapidement transformée en PPE sans qu’aucune raison plausible ne justifie le choix de la première forme juridique, l’autorité peut légitimement soupçonner que cette succession est uniquement destinée à profiter de la tolérance dont le département faisait preuve à cet égard ; tel est bien le cas en l’espèce (consid. 4).