TF 4A_309/2017 du 26 mars 2018
Défaut; résiliation; procédure; expertise privée comme moyen de preuve; congé immédiat pour défaut de la chose louée; connaissance du défaut par le bailleur; fardeau de l’allégation et de la contestation; art. 259b lit. a CO; 168 ss, 222 CPC
L’expert judiciaire a pour tâche d’informer le juge sur des règles d’expérience ou sur des notions relevant de son domaine d’expertise, d’élucider pour le tribunal des questions de fait dont la vérification et l’appréciation exigent des connaissances spéciales ou de tirer, sur la base de ces connaissances, des conclusions sur des faits existants ; contrairement au témoin, qui fait une déposition sur ses propres perceptions, l’expert est remplaçable, raison pour laquelle il est désigné par le tribunal ; d’après la jurisprudence, une expertise privée ne vaut qu’allégation de partie et ne constitue pas un titre ; elle peut cependant constituer un moyen de preuve lorsqu’elle est corroborée par des indices établis par des preuves ; tel est le cas en l’espèce, l’autorité précédente ne s’étant pas seulement fondée sur le rapport et la déclaration de E., mais sur d’autres déclarations de témoins et un email de D. (consid. 2).
Selon l’art. 259b lit. a CO, lorsque le bailleur a connaissance d’un défaut et qu’il n’y remédie pas dans un délai convenable, le locataire peut résilier le bail avec effet immédiat si le défaut exclut ou entrave considérablement l’usage pour lequel l’immeuble a été loué ; la connaissance du défaut par le bailleur est une condition pour la validité du congé immédiat ; des éléments subjectifs peuvent être pris en compte pour déterminer l’existence d’un défaut lorsque le bailleur a eu connaissance de ceux-ci, expressément ou de manière concluante, lors de la conclusion du contrat ; tel devra en l’espèce être éclairci par l’autorité précédente (consid. 3).
Le fardeau de l’allégation et de la contestation n’impose pas à la partie qui en a la charge de réfuter préalablement chaque objection possible de la partie adverse ; la contestation doit permettre à la partie adverse de déterminer quelles allégations de fait elle doit prouver ; en l’espèce, la locataire a allégué chaque poste du dommage ; il appartenait au bailleur d’indiquer de manière claire s’il contestait ces postes dans leur quotité ou s’il contestait la prétention en dommages-intérêts pour un autre motif ; la locataire n’était pas tenue de motiver plus avant chacun des postes avant qu’elle ne connaisse précisément la position du bailleur ; en effet, ce n’est que moyennant une contestation suffisante que les allégations doivent être motivées et prouvées ; en l’occurrence, la partie bailleresse n’a pas contesté de façon suffisante les allégations de la locataire (consid. 5).