TF 4A_232/2018 du 23 mai 2018
Expulsion; procédure; droit de réplique élargi; sursis à l’évacuation forcée; art. 236 al. 3, 343 al. 1 lit. d CPC; 5 al. 2, 29 al. 2 Cst.
Le droit d’être entendu, y compris le droit de réplique élargi, est une garantie constitutionnelle, dont la violation entraîne en principe l’annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond ; il n’est toutefois pas une fin en soi ; lorsqu’on ne voit pas quelle influence la violation du droit d’être entendu a pu exercer sur la procédure, il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée ; en l’espèce, la cour cantonale n’a pas transmis le mémoire de réponse à l’appelant ; celui-ci ne mettait cependant pas en doute son obligation de restituer les logements litigieux, de sorte qu’il n’a pas lieu d’annuler l’arrêt attaqué (consid. 6).
La restitution de locaux suppose leur évacuation forcée, c’est-à-dire une mesure de contrainte directe ; le juge peut accorder à la partie condamnée un délai au cours duquel celle-ci ne sera pas exposée à la contrainte et pourra se soumettre au jugement en évacuant et en restituant volontairement les biens occupés ; il doit d’ailleurs respecter le principe général de la proportionnalité et éviter que les personnes impliquées ne se trouvent soudainement privées de tout abri ; l’évacuation forcée ne peut pas être ordonnée sans ménagement ; le juge ne peut cependant pas différer longuement l’exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l’issue du procès ; le délai d’exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation du bail lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée ; en l’espèce, le locataire a obtenu une prolongation judiciaire de bail jusqu’au 19 décembre 2016 ; il avait donc déjà joui en fait d’un délai de plus de quinze mois lorsque la cour cantonale a statué sur la requête d’exécution forcée du bailleur, le 26 mars 2018 ; or le locataire résistait à l’action en restitution sans élever aucun moyen de défense sérieux et ne saurait donc se prétendre surpris par sa condamnation à évacuer les lieux ; le principe de proportionnalité n’exige donc pas de lui accorder un sursis supplémentaire (consid. 7).