TF 5A_643/2017 - ATF 144 III 277 du 8 mai 2018

Poursuite; créances résultant d’un bail conclu entre le défunt et l’un des cohéritiers de celui-ci; pouvoir d’un cohéritier d’introduire une réquisition de poursuite au nom de la communauté héréditaire contre le locataire, également membre de l’hoirie; art. 67 al. 1, 69 al. 2 ch. 1 LP; 518, 554, 602 CC

La poursuite exercée par une hoirie doit, sous peine de nullité, être intentée au nom de tous les membres de celle-ci désignés individuellement ; le préposé n’a pas à rechercher d’office si les personnes qui ont signé la réquisition de poursuite au nom du créancier possèdent effectivement le pouvoir dont elles se prévalent ; il appartient au poursuivi de le faire valoir, par le biais d’une plainte ; tel a été le cas en l’espèce, la poursuite ayant été introduite par le mandataire de l’un des membres de la communauté héréditaire seulement (consid. 3.1).

Si une dérogation au principe de l’unanimité des membres de la communauté héréditaire a été admise par la jurisprudence dans certaines situations, elle ne se justifie pas lorsqu’il s’agit d’actes juridiques conclus entre l’hoirie et l’un des héritiers, par exemple lorsqu’un héritier prend en location un bien appartenant à la communauté héréditaire ; dans ce cas, l’héritier participe au contrat d’une part comme membre de la communauté, d’autre part à titre individuel ; il en va de même lorsqu’un héritier avait conclu un contrat de bail avec le défunt ; dans ces hypothèses, si un héritier refuse de consentir à un acte juridique portant sur un bien successoral, il faut désigner un représentant de l’hoirie, à qui il appartiendra de prendre une décision ; en l’espèce, les poursuites portent sur le manque à gagner résultant de deux contrats de bail conclus entre le défunt et l’un des cohéritiers et son conjoint (non membre de la communauté) ; il ne se justifie donc pas de déroger au principe de l’unanimité ; les poursuites devaient donc être exercées conjointement par tous les héritiers (consid. 3.2).

La jurisprudence admet toutefois une exception au principe de l’indivision dans les cas urgents, où l’intérêt d’une communauté héréditaire exige une action rapide ; chaque héritier est alors habilité à agir seul comme représentant de la communauté ; l’urgence doit être admise lorsque le consentement de tous les héritiers ne peut pas être recueilli en temps utile ou lorsque la nomination d’un représentant de la communauté héréditaire ne paraît pas pouvoir être obtenue à temps ; il en va ainsi lorsqu’un délai de péremption ou de prescription est sur le point d’échoir ; les actes exécutés dans une situation d’urgence engagent pleinement la communauté et ne sont pas soumis à ratification ; s’il est possible, entre temps, de provoquer une décision des cohéritiers ou de faire nommer un représentant par l’autorité compétente, l’héritier ne peut pas continuer à agir seul au nom de l’hoirie ; ses pouvoirs s’éteignent au moment où l’urgence cesse ; lorsqu’un héritier agit seul au nom de l’hoirie, les autorités de poursuite doivent vérifier si le critère de l’urgence allégué paraît réalisé, ceci indépendamment des questions de l’existence et de l’exigibilité de la créance mise en poursuite ; en l’espèce, les loyers objet de la poursuite allaient bientôt se prescrire ; la poursuivie – qui est aussi membre de l’hoirie – a refusé de signer une renonciation à se prévaloir de la prescription ; il y avait donc urgence à déposer une réquisition de poursuite ; en effet, il est évident que la poursuivie n’allait pas consentir à la mise en poursuite et la désignation d’un représentant de la communauté aurait très vraisemblablement duré plus d’un mois ; autre est la question de savoir si la poursuivante pourrait requérir seule la mainlevée provisoire de l’opposition et, le cas échéant, mener seule la suite de la procédure de poursuite ; le critère de l’urgence doit être réexaminé à chaque étape de la procédure (consid. 3.3).

Poursuite et Faillite

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Destiné à la publication

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