TF 4A_400/2017 - ATF 144 III 514 du 13 septembre 2018
Loyer; contestation du loyer initial; calcul de rendement net; âge d’un immeuble ancien; art. 269, 270, 957a al. 3, 958f CO; 93 al. 1 lit. a LTF
La décision attaquée, qui tranche la question de savoir si le bail litigieux concerne ou non un immeuble ancien, est une décision incidente, qui ne peut faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral que si elle peut causer un préjudice irréparable ; tel est le cas en l’espèce, dans la mesure où est en jeu l’obligation pour la bailleresse de produire les pièces nécessaires à un calcul de rendement net ; si la bailleresse devait être contrainte de fournir immédiatement lesdites pièces, cela entraînerait pour elle un inconvénient majeur qui ne pourra pas être réparé à l’issue de la procédure d’appel puisque, une fois les pièces produites, les parties adverses en auront pris connaissance et la bailleresse n’aura plus d’intérêt à faire valoir qu’elle n’avait pas l’obligation de les produire (consid. 1).
Lorsque le locataire conteste son loyer initial, le contrôle de l’admissibilité du loyer s’effectue à l’aide de la méthode absolue ; le critère du rendement net a la priorité sur celui des loyers usuels du quartier, sauf lorsque l’immeuble est ancien, la hiérarchie des critères absolus étant alors inversée : le critère des loyers du quartier prime celui du rendement net ; en effet, pour de tels immeubles, les pièces comptables nécessaires pour déterminer les fonds propres investis permettant de calculer le rendement net n’existent plus ou font apparaître des montants qui ne sont plus en phase avec la réalité économique actuelle ; le fait que le critère des loyers du quartier ait la prééminence sur celui du rendement net n’empêche toutefois pas le bailleur d’établir que l’immeuble ne lui procure pas un rendement excessif sur la base d’un calcul de rendement net (consid. 2).
Le Tribunal fédéral tire de la jurisprudence déjà établie dans ce domaine qu’un immeuble est ancien lorsque sa construction ou sa dernière acquisition est de 30 ans au moins au moment du début du bail ; le délai de 30 ans commence à courir soit à la date de construction de l’immeuble, soit à celle de sa dernière acquisition, et doit être échu au moment du début du bail ; l’ancienneté de l’immeuble ne peut pas dépendre de la qualité du bailleur – propriétaire institutionnel ou professionnel de l’immobilier –, dans la mesure où ce critère ne tient pas compte du fait que les montants au moment de la construction ou de l’achat peuvent ne plus être en rapport avec les valeurs actuelles et où il faut assurer une égalité de traitement entre les locataires de différents immeubles ; il ne se justifie au demeurant pas d’opérer une différence entre les bailleurs professionnels et les bailleurs privés au motif que les premiers seraient soumis à une obligation de conservation de dix ans des livres et pièces comptables ; en effet, cette exigence ne relève pas de la problématique des loyers abusifs mais a pour seul but de favoriser le contrôle de la comptabilité et de la présentation des comptes ; en l’espèce, l’immeuble a été acquis par la bailleresse le 16 décembre 1982 et le bail a commencé à courir le 1er octobre 2014, soit plus de 31 ans après ; il s’agit donc d’un immeuble ancien ; le caractère abusif du loyer initial se détermine dès lors en priorité selon le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier (consid. 3).