TF 1C_59/2018 et 1C_60/2018 du 25 octobre 2018
Droit public; invalidation d’une initiative populaire cantonale; exigence de clarté et de densité normative; art. 5 al. 1, 26, 34 al. 2, 36 al. 1 Cst.; 4A LGZD/GE; 82 lit. c LTF
Le Tribunal fédéral connaît des recours qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires ; un citoyen peut notamment contester la décision, prise par l’autorité cantonale, de valider une initiative et de la présenter au vote populaire, pour autant que le droit cantonal charge l’autorité compétente de vérifier d’office la conformité des initiatives aux règles supérieures ; dans ce cas, le citoyen dispose d’une prétention à ce que ce contrôle obligatoire soit effectué correctement et à ce que le corps électoral soit dispensé de se prononcer, le cas échéant, sur des dispositions qui paraissent d’emblée contraires au droit matériel supérieur (consid. 2).
Lorsqu’une initiative populaire porte atteinte à un droit fondamental, elle est doublement soumise à une exigence de clarté de son texte ; d’une part, elle doit reposer sur une base légale claire et précise au regard de l’art. 36 al. 1 Cst. ; d’autre part, le texte de l’initiative est soumis à une exigence de clarté sur la base de l’art. 34 al. 2 Cst. qui protège la libre formation de l’opinion des citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté ; les électeurs appelés à s’exprimer sur le texte de l’initiative doivent être à même d’en apprécier la portée, ce qui n’est pas possible si le texte est équivoque ou imprécis ; en l’occurrence, il n’est pas contesté que l’initiative litigieuse – intitulée « Construisons des logements pour toutes et tous : Davantage de coopératives et de logements bon marché » – introduit une série de mesures étatiques qui sont de nature à porter une atteinte grave au droit de propriété garanti par l’art. 26 Cst., de sorte que le texte de l’initiative doit satisfaire à la double exigence de clarté ; la cour cantonale a mis à juste titre en évidence trois imprécisions du texte légal proposé par l’initiative litigieuse, dont la portée est difficilement prévisible ; leur annulation doit ainsi être confirmée ; la partie restante de l’initiative doit aussi être invalidée, en raison de son manque de précision sur de nombreux points, susceptible d’exposer les citoyens au danger de commettre une erreur de compréhension et d’appréciation sur des éléments essentiels de son contenu et de sa portée et de ne pas être en mesure de s’exprimer correctement et conformément à leur volonté (consid. 3 et 4).