TF 4A_257/2018 du 24 octobre 2018
Défaut; résiliation; procédure; bail commercial; conditions pour recourir au Tribunal fédéral contre une décision partielle et contre une décision incidente; congé anticipé fondé sur l’exécution de travaux par le locataire sans autorisation du bailleur; art. 257f al. 3 CO; 4 CC; 91 lit. a, 93 al. 1 lit. a LTF
Le recours au Tribunal fédéral est recevable contre toute décision qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause ; la décision partielle est une variante de la décision finale, dans la mesure où elle statue de manière finale sur un ou plusieurs chefs d’une demande, mais renvoie l’examen d’un ou de plusieurs autres chefs de la demande à une décision ultérieure ; en l’espèce, la cour cantonale a statué définitivement sur la question de la résiliation du bail et celle de l’expulsion qui lui est liée ; ces questions sont distinctes de celle de la fixation des montants de loyers à déconsigner et n’entraînent pas un risque de décisions contradictoires ; l’arrêt attaqué est donc sur ces questions une décision partielle ; en revanche, les décisions de renvoi à une instance cantonale inférieure ne mettent pas fin à la procédure et sont des décisions préjudicielles ou incidentes, qui ne peuvent en principe être attaquées devant le Tribunal fédéral qu’à la condition que la décision puisse causer un préjudice irréparable ; en l’espèce, les bailleurs n’invoquent pas de préjudice juridique irréparable et ne démontrent notamment pas en quoi le fait d’attendre que les instances cantonales se prononcent sur la question des montants de loyers à déconsigner serait de nature à leur causer un tel préjudice ; leur recours est donc irrecevable sur ce point (consid. 1).
Le congé anticipé fondé sur l’art. 257f al. 3 CO suppose la réunion de cinq conditions cumulatives, parmi lesquelles la violation du devoir de diligence par le locataire ; les travaux effectués à l’objet loué sans autorisation du bailleur peuvent constituer une telle violation, en particulier s’ils sont effectués de manière inappropriée, s’ils portent atteinte à la chose louée ou s’ils lui causent un défaut ; en l’espèce, on ne peut pas reprocher à la cour cantonale d’avoir retenu que la locataire ne pouvait pas procéder de son propre chef à la réouverture de l’issue de secours sur l’extérieur de la cuisine en démolissant la façade, dans la mesure où elle a ignoré l’opposition des bailleurs qui ont fait appel à la police et où elle a ignoré ensuite leur sommation de remise en état des lieux, leur dépôt de la plainte pénale et leur seconde sommation de remise en état, avec menace de résiliation du bail pour justes motifs ; le seul fait que, des années plus tard et au terme d’une procédure judiciaire, il a été reconnu que l’issue de secours condamnée par l’ancien gérant du restaurant avait été murée de manière illicite par les bailleurs et qu’une seconde issue de secours pouvait se situer à l’endroit de la cuisine, n’autorisait pas la locataire à agir directement comme elle l’a fait sans violer les droits de propriété des bailleurs et, partant, son devoir de diligence (consid. 4).