TF 4A_168/2014 - ATF 140 III 583 du 30 octobre 2014
Loyer ; contestation du loyer initial ; absence de notification sur formule officielle ; abus de droit (nié en l’espèce) ; art. 2 CC ; 270 CO
La décision entreprise est une décision incidente ; l’autorité inférieure a tranché séparément une question préjudicielle de l’action en fixation du loyer initial et en restitution du trop-perçu, à savoir celle de l’absence de notification du loyer initial sur formule officielle lors de la conclusion du contrat et de l’absence d’abus de droit des locataires à s’en prévaloir. Cette décision peut faire l’objet d’un recours immédiat (art. 93 al. 1 let. b LTF) ; en effet, d’une part, l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale et, d’autre part, le calcul de la valeur de rendement de l’appartement peut entraîner une procédure probatoire longue et coûteuse (c. 1.2).
La formule officielle doit en principe être notifiée au locataire au moment de la conclusion du bail ou, au plus tard, le jour de la remise de la chose louée. Selon la jurisprudence, si la formule officielle lui est communiquée plus tard, mais dans les 30 jours après son entrée dans les locaux, le point de départ du délai pour agir est reporté à ce moment-là. En revanche, une communication intervenant au-delà de ce délai équivaut à une absence de notification. La formule officielle a pour but d’informer le locataire de sa possibilité de saisir l’autorité de conciliation afin de contester le montant du loyer en lui fournissant toutes les indications utiles. Par là même, elle sert à empêcher les hausses abusives de loyer lors d’un changement de locataire, de sorte que l’indication du loyer versé par le précédent locataire doit y figurer (est du reste insuffisant à cet égard que le locataire ait eu vent du loyer versé par l’ancien locataire au moyen d’une autre voie) (c. 3.1).
Si la formule lui a été communiquée, le locataire peut saisir, dans les 30 jours, l’autorité de conciliation, puis le juge pour contester le loyer initial et en demander la diminution, pour autant que le montant convenu soit abusif et que les autres conditions de l’art. 270 al. 1 CO soient remplies (c. 3.1).
Lorsque la formule officielle n’a pas été employée par le bailleur alors qu’elle était obligatoire ou que la hausse de loyer par rapport à celui payé par le précédent locataire n’y a pas été motivée, il est retenu que ce vice n’entraîne pas la nullité du contrat de bail dans son entier, mais seulement la nullité du loyer fixé. Le locataire peut alors agir en fixation judiciaire du loyer initial et en restitution de l’éventuel trop-perçu. Il s’agit là d’un cumul d’actions : la première tend, après constatation, à titre préjudiciel, de la nullité du loyer convenu, à la fixation judiciaire de celui-ci et la seconde, en tant que conséquence de la première, vise à la restitution des prestations effectuées sans cause conformément aux règles de l’enrichissement illégitime (c. 3.2.1).
Le législateur n’a pas prévu de règle limitant l’invocation du vice de forme dans le temps, par exemple à la durée du bail, si bien que seules les règles de la prescription peuvent constituer une limite à l’intérêt du locataire à agir en justice. Son action pour cause d’enrichissement illégitime se prescrit par un an à compter du jour où il a eu connaissance de son droit de répétition et, dans tous les cas, par dix ans dès la naissance de ce droit (c. 3.2.3).
L’abus manifeste de droit demeure toujours réservé. Cela dit et contrairement à ce que croit la bailleresse en l’occurrence, le fait d’avoir attendu dix mois pour ouvrir action n’est pas contraire au droit, tenu compte du délai précité d’une année (c. 3.2.4).