TF 4A_576/2024 du 29 avril 2025
Résiliation; congé en vue de démolir le bien loué; congé contraire à la bonne foi; distinction avec le congé donné pour transformer ou assainir le bien loué; art. 271 al. 1 CO
Si, après la notification de la décision attaquée, la chose litigieuse est vendue ou la prétention litigieuse cédée, le jugement est rendu entre les anciennes parties si la partie adverse ne consent pas à un changement de partie ou si aucun changement de partie n’est demandé (art. 17 al. 1 et 21 al. 2 PCF, applicable par renvoi de l’art. 71 LTF). Il en va ainsi lorsque le bien loué est vendu pendant le délai de recours et que le nouveau propriétaire et bailleur n’intervient pas dans le procès (consid. 1).
La résiliation ordinaire d’un contrat de bail ne nécessite aucun motif particulier (art. 266a al. 1 CO). Un congé est toutefois annulable (art. 271 al. 1 CO) lorsqu’il est contraire à la bonne foi (consid. 3.1). Le motif réel du congé est déterminant, étant précisé qu’une motivation lacunaire ou absente ne conduit pas immédiatement à retenir le caractère abusif du congé. Il peut toutefois s’agir d’un indice en ce sens (consid. 3.2).
Le congé donné en vue de travaux de transformation ou d’assainissement se distingue du congé donné dans la perspective de démolir l’objet loué. Le Tribunal fédéral avait déjà jugé que la résiliation pour cause de vastes travaux d’assainissement ou de transformation, incompatibles avec l’utilisation de l’objet loué, n’était pas abusive. Il doit en aller de même lorsque le bailleur prévoit de démolir le bien loué : la démolition est incompatible avec une location (consid. 3.6.1).
Si le congé est donné, car une démolition est envisagée, il n’est pas nécessaire que la démolition soit nécessaire et urgente. La décision de démolir l’immeuble incombe exclusivement au bailleur et celle-ci peut notamment être justifiée par des considérations économiques (notamment pour obtenir un meilleur rendement avec une nouvelle construction) (consid. 3.6.2). Comme le maintien du locataire dans le bien est incompatible avec une démolition, il n’est pas nécessaire que le bailleur dispose, au moment de la résiliation, d’un projet suffisamment mûr et élaboré pour déterminer si le locataire peut rester dans l’immeuble. Il n’est pas non plus nécessaire que le bailleur présente un projet déjà mûr concernant l’utilisation ultérieure de l’immeuble prévue après la démolition, les modalités concrètes de la démolition ou un calendrier (consid. 3.6.3).
Le congé-démolition peut toutefois être abusif dans certaines situations (consid. 3.6.4). C’est le cas si, au moment de la résiliation, il est déjà manifeste qu’une démolition est objectivement impossible, par exemple parce qu’elle est incompatible des règles de droit public (comme des règles de protection du patrimoine) (consid. 3.6.4.1). Le caractère abusif peut également être retenu si le motif invoqué n’est qu’un prétexte et que le véritable motif ne peut pas être établi. Toutefois, l’absence d’indication ou l’indication sommaire de l’utilisation ultérieure du terrain après la démolition ne permet pas de conclure sans autre que le motif de résiliation indiqué (démolition) n’est qu’un prétexte (consid. 3.6.4.2).