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Newsletter octobre 2014
Editée par Bohnet F., Carron B., Conod Ph., Dietschy-Martenet P., Montini M.
Les pièges de la conciliation
SVIT School | Formation courte | 13 novembre 2014
En cas de litige, les gérants sont régulièrement amenés à représenter les intérêts de leurs clients – les propriétaires – vis-à-vis des locataires. La conciliation en matière de bail, ou les pièges de la représentation en audience, de l'autorisation de procéder et de la proposition de jugement: comment s’en sortir ? La réponse avec Me François Bohnet, le grand spécialiste en droit du bail et procédures, à l’occasion du prochain séminaire de la SVIT School. Une formation courte (2 heures) à ne pas manquer.
TF 4A_240/2014 - ATF 140 III 491 du 28 août 2014
Résiliation, logement de famille et bail commun ; validité matérielle et formelle d’une résiliation pour demeure du locataire en cas de logement de famille et de bail ; art. 257d, 266n CO ; 2 al. 2 CC
Le congé était matériellement valable, car conforme à l’art. 257d CO (c. 3).
Le congé était formellement valable dans la mesure où, même s’il n’avait pas été adressé à l’épouse, il ne violait pas l’art. 266n CO puisque, en l’espèce, le logement avait perdu son caractère familial suite au départ définitif de l’épouse (c. 4.1).
En cas de bail commun, le congé doit être adressé à tous les locataires, sous peine de nullité ; il peut toutefois être donné au moyen d’un seul formulaire officiel pour autant qu’il soit adressé à tous les colocataires. De manière analogue à la jurisprudence en matière de logement de famille (ATF 139 III 7), le colocataire qui a reçu une résiliation commet un abus de droit en invoquant le fait qu’un autre colocataire, qui se désintéresse totalement de la cause, n’a pas reçu la résiliation (c. 4.2).
Le tribunal laisse la question ouverte de savoir si, dans un bail commun, un locataire doit impérativement assigner son colocataire au procès lorsqu’il agit en contestation du congé, faute de quoi une partie de la doctrine considère que la demande devrait être rejetée faute de qualité pour agir (c. 4.3).
Commentaire de l'arrêt TF 4A_240/2014 - ATF 140 III 491
Patricia Dietschy
Professeure titulaire à l'Université de Neuchâtel, juge suppléante au Tribunal cantonal vaudois, avocate-conseil à Lausanne
TF 4A_31/2014 - ATF 140 III 496 du 27 août 2014
Résiliation ; congé rénovation ; art. 271 CO
Le Tribunal fédéral commence par un rappel de sa jurisprudence et notamment l’arrêt de principe rendu en 2008 (c. 4.1).
Ainsi, une résiliation d’un bail en vue de vastes travaux d’assainissement de l’objet loué ne contrevient pas aux règles de la bonne foi. Il en va ainsi même si le locataire se dit prêt à rester dans l’appartement durant les travaux et à s’accommoder des inconvénients qui en résultent, car sa présence est propre à entraîner des complications, des coûts supplémentaires ou une prolongation de la durée des travaux (c. 4.1).
La résiliation est critiquable uniquement s'il apparaît que la présence du locataire ne compliquerait pas les travaux, ou seulement de manière insignifiante, par exemple en cas de réfection des peintures ou lors de travaux extérieurs tels qu'une rénovation de façade ou un agrandissement de balcon (c. 4.1).
Le congé en vue de travaux de transformation ou de rénovation est également abusif lorsque le projet du bailleur ne présente pas de réalité tangible ou qu'il apparaît objectivement impossible. La preuve de l'impossibilité objective incombe au locataire. La validité du congé ne suppose pas que le bailleur ait déjà obtenu les autorisations nécessaires, ni même qu'il ait déposé les documents dont elles dépendent (c. 4.1).
Cela étant, notre Haute Cour retient que la validité du congé suppose qu’au moment de la résiliation du bail, le bailleur dispose d’un projet suffisamment mûr et élaboré pour pouvoir constater concrètement que la présence du locataire entraverait les travaux (c. 4.2.2).
Le locataire doit pouvoir être renseigné sur l’importance des travaux envisagés et se faire une idée sur la réalité des intentions du bailleur et sur la gêne que sa présence entraînerait pour l’exécution des travaux afin de décider en toute connaissance de cause, dans les 30 jours suivant la réception de la résiliation, s’il entend contester le congé (c. 4.2.2).
Commentaire de l'arrêt TF 4A_31/2014 - ATF 140 III 496
Résiliation, congé rénovationTF 4A_125/2014 du 2 juin 2014
Erreur de base portant sur la source d’un bruit et ses conséquences ainsi que sur le respect des valeurs limites légales ; art. 24 al. 1 ch. 4 CO
Une erreur du locataire portant sur la suppression d’un problème de bruit avant la prise de possession de l’objet, sur la source du bruit et ses conséquences ainsi que sur le respect des valeurs limites (légales) en matière de bruit de base constitue une erreur essentielle aussi bien d’un point de vue subjectif que d’un point de vue objectif au sens de l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO (c. 3).
TF 4A_198/2014 du 17 juillet 2014
Résiliation ; prolongation ; loyer ; procédure ; caractère abusif de la résiliation nié ; pouvoir d’appréciation du juge pour la fixation de la durée de la prolongation ; contestation du loyer initial ; maxime inquisitoriale sociale ; art. 266a, 271, 271a al. 1 let. a, 272 al. 2 CO
Le congé est annulable s’il a été donné parce que le locataire a fait valoir de bonne foi des prétentions découlant du bail (c. 2.1).
Est aussi annulable le congé qui contrevient aux règles de la bonne foi, à savoir lorsqu’il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection et se révèle donc purement chicanier. Cela étant, les parties au contrat de bail sont libres de résilier le contrat pour le prochain terme légal ; un motif particulier n’est pas exigé (c. 2.1).
Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l’équité, s’il y a lieu de prolonger le bail et, dans l’affirmative, pour quelle durée ; il procède à cet effet à une pesée des intérêts en présence, en prenant en compte toutes les circonstances pertinentes, telles que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, la situation sur le marché locatif, les efforts entrepris par le locataire pour trouver une solution de remplacement. De son côté, le Tribunal fédéral ne revoit dès lors qu’avec réserve la décision d’équité prise en dernière instance cantonale (c. 3.1).
L’omission du bailleur de notifier le loyer initial avec la formule officielle dont l’usage est déclaré obligatoire ne remet pas en cause la validité du contrat de bail, mais entraîne la nullité de la clause fixant le loyer. Cette nullité partielle intervient de plein droit et se constate d’office. Le locataire peut l’invoquer en tout temps, sous réserve de l’abus de droit. Les facteurs à prendre en compte pour permettre au juge de compléter le contrat sont notamment la limite du rendement excessif, les loyers non abusifs pratiqués dans le quartier et le loyer payé par le précédent locataire (c. 4.1).
La procédure de première instance était en l’occurrence soumise à la procédure simplifiée, dans laquelle le juge établit les faits d’office. Cette maxime inquisitoriale sociale n’oblige pas le juge à instruire d’office le litige lorsqu’un plaideur renonce à expliquer sa position ; en revanche, elle le contraint à interroger les parties et à les informer de leur devoir de collaborer à l’instruction et de fournir des preuves (c. 4.2).
TF 4A_140/2010 et 4A_250/2014 du 6 août 2014
Procédure ; demeure ; partialité du juge ; compensation en cas de demeure du locataire dans le paiement du loyer ; art. 30 al. 1 Cst ; 6 § 1 CEDH ; 120, 257d CO
De par son activité, le juge est contraint de se prononcer sur des questions contestées et délicates ; même si elles se révèlent ensuite erronées, des mesures inhérentes à l’exercice normal de sa charge ne permettent pas encore de le suspecter de parti pris. En décider autrement reviendrait à affirmer que tout jugement inexact, voire arbitraire, serait le fruit de la partialité du juge, ce qui n’est pas admissible. Seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent justifier une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances corroborent à tout le moins objectivement l’apparence de prévention (c. 3.3).
Le débiteur peut opposer la compensation même si sa créance est contestée. Il n’est pas nécessaire que la contre-créance soit déterminée avec certitude dans son principe et son montant pour que le débiteur puisse invoquer la compensation. Toutefois, l’effet compensatoire n’intervient que dans la mesure où l’incertitude est ultérieurement levée par le juge (c. 5.1).
La possibilité d’opposer en compensation une contre-créance contestée existe aussi pour le locataire mis en demeure de payer un arriéré de loyer. La déclaration de compensation doit toutefois intervenir avant l’échéance du délai de grâce et la contre-créance invoquée en compensation doit pouvoir être prouvée sans délai (c. 5.2).
TF 4A_350/2014 du 16 septembre 2014
Procédure ; résiliation ; procédure de cas clairs ; admissibilité du témoignage dans le cadre de dite procédure ?; controverse sur cette question non tranchée en l’espèce ; réception du congé, envoyé à l’adresse des locaux loués ; art. 257 al. 1 CPC
Dans les cas clairs, le demandeur dispose d’une voie particulièrement simple et rapide, en alternative aux procédures ordinaire et simplifiée normalement disponibles. L’état de fait n’est pas litigieux lorsqu’il n’est pas contesté par la partie adverse. Il est susceptible d’être prouvé immédiatement lorsque les preuves peuvent être rapportées sans délai et sans frais particuliers. La situation juridique est claire lorsque l’application de la norme au cas concret s’impose de façon évidente au regard du texte légal, ou en vertu d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvées (c. 2.1).
Lorsque les conditions du cas clair ne sont pas réalisées, le tribunal n’entre pas en matière et la requête doit être déclarée irrecevable (cf. art. 257 al. 3 CPC).
Il existe une controverse doctrinale sur l’admissibilité de la preuve par témoin en procédure pour les cas clairs, controverse qui n’est pas tranchée en l’occurrence (c. 3.4.2).
La résiliation du bail est une manifestation de volonté sujette à réception. Elle déploie ses effets lorsqu’elle entre dans la sphère de puissance du destinataire. Lorsque l’agent postal ne peut pas remettre le pli recommandé à son destinataire ou à un tiers autorisé et qu’il laisse un avis de retrait dans la boîte aux lettres ou la case postale, la communication est reçue dès que le destinataire est en mesure d’en prendre connaissance au bureau de poste selon l’avis de retrait, soit en règle générale le lendemain du dépôt de l’avis (c. 2.2).
En principe, le congé doit être adressé au domicile du locataire. Il faut réserver les conventions prévues par les parties. L’usage admet que le bailleur puisse envoyer le courrier à l’adresse des locaux loués (c. 2.2).
TF 4A_418/2014 du 18 août 2014
Procédure ; expulsion en procédure de cas clairs ; conditions applicables à dite procédure ; art. 257 CPC
La procédure sommaire constitue une alternative aux procédures ordinaire ou simplifiée normalement disponibles ; elle est destinée à offrir à la partie demanderesse une voie particulièrement simple et rapide lorsque l’état de fait n’est pas litigieux ou qu’il est susceptible d’être immédiatement prouvé et que la situation juridique est claire (c. 2).
TF 4A_249/2014 du 18 juin 2014
Procédure ; est seule susceptible de recours en matière civile la décision de dernière instance cantonale ; art. 75, 105 al. 1 LTF
En principe, le Tribunal fédéral fonde sa décision sur les faits tels qu’ils ont été établis par l’autorité inférieure (c. 6).
Dans le cadre d’un recours en matière civile, seule peut être attaquée la décision de la dernière instance cantonale (c. 8).
TF 6B_1056/2013 du 20 août 2014
Violation de domicile ; qualité pour porter plainte pour violation de domicile ; art. 30 al. 1, 186 CP
L’infraction de violation de domicile ne se poursuit que sur plainte. Le lésé est celui dont le bien juridique est directement atteint par l’infraction. Le droit au domicile tel que protégé par l’art. 186 CP appartient à celui qui a le pouvoir de disposer des lieux, en vertu d’un droit réel ou personnel ou encore d’un rapport de droit public. L’extinction du rapport juridique lui conférant la maîtrise effective ne le prive pas de cette protection tant qu’il exerce son pouvoir. Le droit de porter plainte peut aussi trouver son fondement dans l’intérêt d’une personne à sauvegarder le bien juridique en question (c. 1.1).
La notion de domicile doit être comprise de manière large et elle vise non seulement les habitations au sens commun, mais également les fabriques, les centres commerciaux et les bâtiments administratifs. La loi cite aussi les espaces, cours ou jardins clos et attenants à une maison. Il s’agit-là de surfaces non bâties, mais fermées, par exemple par une clôture, un mur ou une haie, et rattachées à un bâtiment. Techniquement, la clôture n’a pas à être totalement infranchissable (c. 2.1).
TF 5A_465/2014 du 20 août 2014
Procédure ; pas de deuxième échange d’écritures en procédure de mainlevée d’opposition ; le prononcé de mainlevée ne fonde pas l’exception de chose jugée quant à l’existence de la créance ; art. 251 let. 1, 254 al. 1 CPC ; 80, 82 al. 2 LP
Dans le cadre de la procédure sommaire, applicable en matière de mainlevée de l’opposition, le juge n’a en principe pas à ordonner de deuxième échange d’écritures en première instance, mais seulement à communiquer les prises de position afin de donner aux parties l’occasion d’éventuellement se déterminer et de respecter ainsi leur droit d’être entendues (c. 6.1).
Le but du contentieux de la mainlevée de l’opposition n’est pas de constater la réalité d’une créance, mais l’existence d’un titre exécutoire ; le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (c. 7.2.1.1).
Dans la mesure où la recourante a invoqué comme moyen libératoire l’extinction du rapport d’obligation, l’autorité cantonale n’a pas violé la loi en examinant le bien-fondé de ce moyen pour déterminer si l’intimée disposait encore d’un titre de mainlevée (c. 7.2.2).
TF 4A_364/2014 du 18 septembre 2014
Procédure ; frais de procédure et intérêt à recourir ; art. 32 al. 2, 67, 71, 76 al. 1 let. b LTF ; 72 PCF
La qualité pour recourir présuppose un intérêt digne de protection à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée au moment du jugement sur recours (c. 1.1).
Une action en constatation de droit est ouverte si le demandeur a un intérêt important et digne de protection à la constatation immédiate de la situation de droit. L’intérêt n’a pas besoin d’être de nature juridique mais il peut aussi s’agir d’un pur intérêt de fait. Le fait de s’être vu imposer les frais dans l’instance précédente ne permet pas au recourant de faire constater la validité de la décision au fond de l’instance précédente, in casu la validité du congé, si le recourant ne dispose pas autrement de la qualité pour recourir (c. 1.2).
En vertu de l’art. 67 LTF, le TF ne peut modifier les frais de la procédure antérieure que s’il modifie la décision attaquée, ce qui n’est pas possible en cas de procédure devenue sans objet. Toutefois, le TF peut recourir à des considérations d’équité dans la répartition des frais de la procédure devant lui s’il apparaît qu’en cas de traitement matériel du recours, les coûts de la procédure cantonale n’auraient pas forcément été imposés au recourant (c. 2).
Si un procès devient sans objet, le TF statue sur les frais du procès en tenant compte de l’état de choses existant avant le fait qui met fin au litige, conformément à l’art. 71 LTF et à l’art. 72 PCF. Le TF dispose d’un large pouvoir d’appréciation. En premier lieu, il se fonde sur l’issue probable du litige. Si cela n’est pas possible, il faut se référer aux critères généraux de procédure : la partie par laquelle la procédure est devenue sans objet doit alors supporter les frais (c. 3).
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