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Newsletter décembre 2013
Editée par Bohnet F., Carron B., Montini M. et Sonnenberger C.
Pour la dernière édition 2013, nous vous proposons trois arrêts du mois, tous destinés à la publication, avec leurs commentaires.
Pour celles et ceux qui ne le sont pas encore, il est possible de vous abonner à la Revue annuelle Droit du bail en cliquant ici. Le dernier numéro 25/2013 peut être commandé en cliquant ici.
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TF 4A_285/2013 - ATF 140 III 54 du 7 novembre 2013
Résiliation ; validité du congé donné par le bailleur au moyen d’une formule officielle non signée, si la lettre d’accompagnement comporte la signature manuscrite ; art. 11 al. 2, 13 al. 1, 14 al. 1, 266l CO
Le Tribunal fédéral a déjà rejeté la thèse selon laquelle le congé notifié par le bailleur serait nul parce que seule la lettre d’accompagnement, et non la formule officielle, contiendrait une signature manuscrite. Il a ainsi considéré qu’il fallait tenir comme suffisante une signature manuscrite apposée sur la lettre d’accompagnement.
Lorsque le congé émane du bailleur, il doit être donné au moyen d’une formule officielle agréée par le canton. Notre Haute cour rappelle qu’il s’agit là de l’exigence d’une forme (écrite) qualifiée.
L’apposition de la signature autographe, dans les déclarations où une forme est prescrite, répond au besoin de pouvoir attribuer une déclaration à une personne clairement identifiable.
C’est donc pour satisfaire à l’exigence de la forme écrite requise par l’art. 266l CO, en lien avec les art. 11 al. 2, 13 al. 1 et 14 al. 1 CO, qu’une signature manuscrite doit être apposée par le bailleur sur la formule officielle (en l’absence de lettre d’accompagnement), et non parce qu’une telle signature serait spécialement exigée pour la formule officielle par l’art. 266l al. 2 CO ou l’art. 9 OBLF.
Ni l’art. 266l CO, ni l’art. 14 CO ne disposent que la signature manuscrite d’une formule officielle devrait être apposée au pied de l’acte lui-même.
En l’occurrence, le courrier d’accompagnement et la formule officielle forment un tout, de telle sorte que l’on est en présence d’une déclaration signée qui est valable.
Commentaire de l'arrêt TF 4A_285/2013 - ATF 140 III 54
Validité du congé donné au moyen d’une formule officielle non signée ?TF 4A_137/2013 - ATF 139 III 478 du 7 novembre 2013
Résiliation, procédure ; défaut de la partie requérante à l’audience de conciliation ; contestation possible de la décision de refus de restitution ; art. 147 al. 1, 148 al. 1, 149, 206, 308, 319 CPC
Une partie est défaillante lorsqu’elle omet d’accomplir un acte de procédure dans le délai prescrit ou ne se présente pas lorsqu’elle est citée à comparaître. En procédure de conciliation, la loi prévoit que si la partie requérante fait défaut, sa requête est censée retirée et l’affaire est rayée du rôle. L’art. 148 al. 1 CPC permet à la partie défaillante, sous certaines conditions se rapportant à la cause du défaut, d’obtenir un délai supplémentaire ou une nouvelle audience. La partie défaillante doit alors présenter une requête dans les dix jours qui suivent celui où la cause du défaut a disparu, mais au plus tard six mois après l’entrée en force d’une décision communiquée dans l’intervalle. Le tribunal donne alors à la partie adverse l’occasion de s’exprimer et statue définitivement sur la restitution.
L’autorité a le droit - et éventuellement le devoir - de déroger au sens littéral d’un texte apparemment clair, par la voie de l’interprétation, lorsque des raisons objectives révèlent que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent ressortir des travaux préparatoires, du but de la règle et de ses rapports avec d’autres dispositions légales.
Pour la partie demanderesse et en procédure de conciliation, le refus d’une restitution peut entraîner la perte complète et irrémédiable de l’action, en particulier lorsque celle-ci est soumise à un délai de péremption. Dans ce contexte caractérisé par la conséquence du refus de la restitution, il s’impose d’interpréter l’art. 149 CPC en ce sens que l’exclusion de toute voie de recours n’est pas opposable à la partie requérante laquelle peut ainsi contester la décision lui refusant la restitution.
Commentaire de l'arrêt TF 4A_137/2013 - ATF 139 III 478
Restitution et voies de recours ; défaut de la partie requérante à l’audience de conciliation ; contestation possible de la décision de refus de restitution ; art. 147 al. 1, 148 al. 1, 149, 206, 308, 319 CPCTF 4A_346/2013 - ATF 139 III 457 du 22 octobre 2013
Compétence matérielle ; procédure simplifiée ; délimitation de la compétence matérielle du tribunal de commerce et du tribunal des baux ; application de la procédure simplifiée en cas de litige concernant la protection contre les congés ; art. 6 al. 2 let. a, 198 let. f, 243 al. 2 let. c et al. 3 CPC ; 257d CO
La conclusion de contrats de bail concernant des immeubles commerciaux ainsi que les litiges découlant de ces contrats sont compris dans le concept « activité commerciale » au sens de l’art. 6 al. 2 lit. a CPC (c. 3).Pour les litiges devant le Tribunal de commerce, la procédure simplifiée ne trouve pas application selon la lettre claire de l’art. 243 al. 3 CPC (c. 4.4.3.1).
Les règles sur le type de procédure ont la priorité sur les règles concernant la compétence matérielle du tribunal de commerce (c. 4.4.3.3).Dans les affaires du droit du bail, la procédure simplifiée s’applique, indépendamment de la valeur litigieuse, pour les litiges mentionnés à l’art. 243 al. 2 let. c CPC et à toutes les autres affaires dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30'000 francs (art. 243 al. 1 CPC) (c. 4.4.3.2).
Lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 francs, la question de savoir si le concept « protection contre les congés » de l’art. 243 al. 2 let c CPC ne s’applique qu’à l’annulabilité (Anfechtbarkeit) du congé selon les art. 271 et 271a CO ou s’il comprend également l’inefficacité (Unwirksamkeit) ou la nullité (Nichtigkeit) d’un congé est controversée en doctrine (c. 5.2).
De façon identique à la pratique existant sous l’ancien art. 273 al. 4 CO, si le demandeur demande l’annulation du congé (ou la prolongation du bail), l’autorité de conciliation doit aussi examiner de façon liminaire la nullité ou l’inefficacité du congé dans le cadre de la procédure simplifiée. Si l’autorité de conciliation déclare le congé non valable, inefficace ou nul, le bailleur est autorisé à demander la constatation de la validité du congé dans la procédure de protection contre les congés (c. 5.3).
Demeure toujours ouverte la question de savoir si, lorsque le locataire ne conclut qu’à la nullité ou l’invalidité du congé, on a toujours affaire à un cas de « protection contre les congés » au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CO (c. 5.3).
Commentaire de l'arrêt TF 4A_346/2013 - ATF 139 III 457
François Bohnet
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
TF 4A_313/2013 du 6 novembre 2013
Conclusion du contrat ; erreur essentielle niée en l’occurrence ; art. 23, 24 al. 1 ch. 4 CO
Les parties ont passé un contrat sui generis de transfert de patrimoine. Le recourant soutient cependant l’avoir conclu sous l’influence de l’erreur, en croyant faussement que le bâtiment dans lequel se trouvent les locaux loués était classé et que l’exploitation de son commerce pourrait s’y perpétuer en dépit de la prochaine reconstruction complète du site.
Le contrat n’oblige pas celle des parties qui, au moment de conclure, se trouvait dans une erreur essentielle. Parmi d’autres cas, il y a erreur essentielle lorsque l’un des cocontractants s’est mépris sur des faits qu’il pouvait considérer, du point de vue de la loyauté en affaires, comme des éléments nécessaires du contrat.
TF 4A_283/2013 du 20 août 2013
Bail à loyer et bail à ferme ; rapport contractuel unique ; existence d’un rapport contractuel unique composé du bail à ferme d’un restaurant et du bail à loyer d’un bureau ; validité de la résiliation d’un des deux baux ; art. 253a al. 1, 271 al. 1, 272 al. 1 CO
La lettre de l’art. 253a al. 1 CO suppose que la chose secondaire louée soit cédée par le bailleur au même locataire (identité des parties) et que l’usage de la chose secondaire soit lié à l’objet principal. La question de l’applicabilité de l’art. 253a al. 1 CO lorsque les parties ne sont pas exactement identiques mais que le locataire unique de la chose principale est locataire de la chose secondaire en compagnie d’un tiers, peut rester ouverte (c. 4.3 et 4.4).
Même lorsque le locataire d’une chose dont l’usage est cédé avec une habitation ou des locaux commerciaux et que, par conséquent, l’art. 253a al. 1 CO s’applique, cela ne signifie pas obligatoirement qu’il y ait un rapport contractuel unique impliquant que la résiliation séparée du contrat portant sur la chose secondaire soit illicite. Il faut se fonder sur les intérêts des parties en cause et sur les conventions qu’elles ont conclues. La volonté des parties déterminée sur la base des circonstances concrètes est déterminante, l’art. 253a al. 1 CO sert tout au plus de moyen d’interprétation (c. 4.4.1).
Indépendamment de l’identité des parties, la nullité d’une résiliation partielle ne peut être envisagée que si, selon la volonté et les intérêts des parties, le contrat de bail à loyer et le contrat de bail à ferme forment un tout indivisible. En l’espèce, l’instance précédente a constaté que le bail à loyer ne constituait pas une condition sine qua non du bail à ferme (c. 4.5).
Un congé est notamment contraire à la bonne foi si le motif invoqué (en l’espèce le besoin propre) est manifestement un prétexte. Il s’agit d’une question de fait à laquelle l’instance précédente a répondu par la négative (c. 5.1 et 5.2).
Il n’y a pas de congé contraire à la bonne foi en raison d’un prétendu rapport très étroit entre un contrat de bail à ferme et un contrat de bail à loyer, dès lors que, d’une part, l’existence d’un rapport contractuel unique a été niée sur la base de la volonté des parties et, d’autre part, que le besoin propre n’est pas un prétexte (c. 5.3).
TF 4A_91/2013 du 18 septembre 2013
Défaut à la chose louée ; fixation et durée de la réduction de loyer ; art. 259d CO
La réduction du loyer doit être proportionnelle et se détermine en comparant la valeur objective de la chose avec défaut avec la valeur objective sans défaut.
TF 4A_89/2013 du 18 septembre 2013
Résiliation ; procédure ; résiliation du bail pour violation du devoir de diligence (absence de ramonage par le locataire du conduit de cheminée du four à pizza) ; caractère jugé non excessif en l‘occurrence du délai de 8 mois entre la protestation et la résiliation ; irrecevabilité de la motivation essentiellement appellatoire ; art. 257f CO ; 271a al. 1 let. d CO
En l’occurrence, la locataire conteste le caractère insupportable de la continuation du bail et la violation, par lui-même, de son obligation de diligence.
Déterminer si la continuation du bail ne peut raisonnablement être imposée au bailleur est une décision en équité, au sens de l’art. 4 CC.
Le Tribunal fédéral relève qu’en principe, un délai de 8 mois entre la protestation et la résiliation était excessif ; il considère cependant qu’en l’espèce, il y a lieu de noter que la bailleresse n’est pas restée inactive, notamment en organisant une inspection de la chose louée, en présence d’un ingénieur. Aussi, un tel délai de 8 mois ne prête pas ici le flanc à la critique, celui-ci démontrant plutôt que la bailleresse a fait preuve de patience, voire de mansuétude.
TF 4A_155/2013 du 21 octobre 2013
Résiliation ordinaire du bail, donnée notamment en raison du refus des locataires de communiquer lequel des ex-conjoints s’est vu attribuer le logement, suite à leur divorce ; validité du congé ; art. 271 CO
Pour dire si un congé est ou non abusif, il faut connaître le motif réel de la résiliation, dont la constatation relève de l’établissement des faits. La partie qui prétend que le congé est abusif doit en principe apporter la preuve des faits qui permettent de le constater, mais sa partie adverse doit contribuer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant les éléments qu’elle est seule à détenir.
Dans un bail à durée indéterminée, chaque partie est en principe libre de le résilier pour la prochaine échéance en respectant le délai de congé. La résiliation ordinaire du bail n’exige pas de motif particulier et est annulable uniquement si elle contrevient aux règles de la bonne foi.
Rien n’interdit de prendre en compte des faits postérieurs en vue de reconstituer ce que devait être la volonté réelle au moment où la résiliation a été donnée.
Lorsque le locataire fait obstruction à des exigences pourtant admissibles - et même essentielles en ce qui concerne l’attribution du logement suite au divorce des locataires - imposées par la bailleresse, la résiliation du bail par cette dernière ne saurait être considérée comme contraire à la bonne foi.
TF 4A_549/2013 du 7 novembre 2013
Résiliation ; procédure ; expulsion du locataire selon la procédure de cas clairs ; absence de caractère abusif du congé pour demeure du locataire, en cas de paiement, par ce dernier, de l’arriéré 8 jours après l’expiration du délai comminatoire ; art. 257d, 271 CO ; 257 CPC
La résiliation pour demeure du locataire n’est contraire aux règles de la bonne foi que dans des circonstances particulières.
L’annulation entre en considération lorsque le bailleur a réclamé au locataire, avec menace de résiliation du bail, une somme largement supérieure à celle en souffrance, alors qu’il n’était pas certain du montant effectivement dû. L’annulation entre aussi en considération lorsque l’arriéré est insignifiant, ou lorsque ce montant a été réglé très peu de temps après l’expiration du délai comminatoire, alors que, auparavant, le locataire s’était toujours acquitté à temps du loyer, ou encore lorsque le bailleur ne résilie le contrat que longtemps après l’expiration de ce même délai.
TF 4A_102/2013 du 17 octobre 2013
Conciergerie ; procédure ; régime juridique applicable au contrat de conciergerie, en particulier au moment de la résiliation de celui-ci ; critère de la prestation prépondérante ; validité des contrats connexes ; arbitraire retenu dans l’application d’une norme cantonale d’organisation judiciaire ; art. 56M let. a de la loi genevoise d'organisation judiciaire
Le contrat de conciergerie constitue un contrat mixte qui combine des prestations du contrat individuel de travail et du contrat de bail à loyer, en sorte qu’il est régi par le droit du contrat de travail pour ce qui a trait à l’activité de conciergerie et par le droit du bail pour la cession de l’usage du logement mis à disposition du concierge. En revanche, pour la résiliation, le régime contractuel applicable dépendra de la prestation prépondérante.
Il est de jurisprudence que les parties peuvent convenir de lier entre eux deux contrats en soi distincts, de manière telle que l’extinction de l’un entraîne celle de l’autre (on parle alors de contrats connexes ou couplés).
En l’espèce, selon l’accord des parties, l’extinction du contrat de travail devait entraîner automatiquement l’extinction du contrat de bail. La recourante ayant valablement résilié le contrat de travail pour l’échéance visée, le contrat de bail portant sur l’appartement de service s’est donc éteint ipso facto au même terme.
Dès l’instant où le droit de la concierge intimée de faire usage de l’appartement de service s’éteignait automatiquement avec la fin du rapport de travail, tout litige à ce sujet dépendait de l’application des règles sur le contrat de travail. La cour cantonale, qui a admis que le présent litige avait trait au droit du bail, a appliqué arbitrairement l’art. 56M let. a de la loi genevoise d’organisation judiciaire.
Partant, il y a lieu de retenir l’irrecevabilité de la requête en contestation du congé déposée devant les juridictions du droit du bail.
TF 4A_312/2013 du 17 octobre 2013
Procédure ; expulsion en procédure de cas clairs ; possibilité (niée) de déposer des preuves nouvelles en procédure d’appel ; art. 257, 317 al. 1 CPC
Le Tribunal fédéral a déjà fixé dans sa jurisprudence que la nature particulière de la procédure sommaire pour cas clairs impose au juge d’appel d’évaluer les faits sur la base des preuves déjà appréciées par le premier juge saisi.
La production de pièces nouvelles est ainsi exclue, même celles qui sont visées par l’art. 317 al. 1 CPC.
TF 4A_353/2013 du 23 octobre 2013
Procédure ; requête de mesures provisionnelles, tendant à faire interdire à la bailleresse de mettre les locaux en location ou en gérance ; conditions de recevabilité du recours à l’encontre de la décision incidente en la matière ; art. 93 LTF
La décision refusant les mesures provisionnelles est une décision incidente qui peut faire l’objet d’un recours immédiat dans deux cas de figure uniquement : lorsqu’elle peut causer un préjudice irréparable ou lorsque l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.
Dans un recours dirigé contre une décision sur mesures provisionnelles, seule peut être invoquée la violation de droits constitutionnels.
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