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Newsletter mars 2024
Editée par Bohnet F., Carron B., Percassi M.-L., avec la participation de Rétornaz V.
Responsabilité civile
Ce précis offre une présentation complète mais néanmoins synthétique de la responsabilité civile extracontractuelle. La nouvelle édition prend en compte toutes les évolutions législatives (notamment le nouveau droit de la prescription), jurisprudentielles (relative p. ex. aux dommages environnemental ou différé) et doctrinales intervenues durant la dernière décennie. L’ouvrage est utile tant aux étudiantes et étudiants qu’aux praticiennes et praticiens désireux d’avoir une vue d’ensemble et un rafraîchissement rapide de la matière.
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TF 4A_645/2023 du 25 janvier 2024
Poursuite et faillite; contrat de bail en tant que reconnaissance de dette; mainlevée provisoire; moyens libératoires du locataire; art. 82 LP; 259a al. 1 let. b et c; 259b let. a, 259d, 259e, 266g al. 1 CO
Le contrat de bail signé constitue, en principe, une reconnaissance de dette (au sens de l’art. 82 al. 1 LP) et justifie la mainlevée provisoire de l’opposition pour le montant du loyer échu. En signant le contrat de bail, le locataire reconnaît son obligation de payer le loyer non seulement pour la durée d’occupation de l’objet loué, mais pour toute la durée contractuelle (consid. 3.1).
Conformément à l’art. 82 al. 2 LP, le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable sa libération (consid. 3.2). En matière de bail à loyer, le locataire et débiteur peut notamment faire valoir qu’il ne doit pas les loyers, car (consid. 3.2.2) :
- il a résilié le contrat de bail avec effet immédiat en application de l’art. 259b let. a CO, ce qui requiert de rendre vraisemblable l’existence d’un défaut grave de la chose immobilière louée ;
- il a résilié le bail conformément à l’art. 266g al. 1 CO, ce qui requiert de rendre vraisemblable l’existence de justes motifs rendant l’exécution du contrat intolérable ;
- il est titulaire d’une créance en compensation envers le bailleur, parce que la chose louée est affectée de défauts justifiant une réduction du loyer (art. 259a al. 1 let. b et 259d CO) ou des dommages-intérêts (art. 259a al. 1 let. c et 259e CO), ce qui nécessite de rendre vraisemblable le montant et l’exigibilité de la créance compensante ainsi que le montant exact à concurrence duquel la dette serait éteinte.
Commentaire de l'arrêt TF 4A_645/2023
Mainlevée provisoire pour des loyers impayés et défauts de la chose louée : de l’angélisme à la preuve diaboliqueTF 4A_497/2023 du 16 janvier 2024
Bail à ferme; procédure; protection dans les cas clairs; décision réformatoire ou cassatoire en deuxième instance; art. 257 al. 1, 318 CPC
Aux termes de l’art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l’application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les deux conditions suivantes sont remplies : (a) l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (consid. 2.1).
L’état de fait est susceptible d’être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. Cette condition n’est pas remplie lorsque la partie fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du tribunal (consid. 2.2.1).
La situation juridique est claire lorsque l’application de la norme au cas concret s’impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvées. Cette condition n’est généralement pas satisfaite lorsque l’application d’une norme requiert que le tribunal fasse usage de son pouvoir d’appréciation ou prenne une décision en équité, par exemple lorsqu’il doit apprécier la bonne foi d’une partie. Toutefois, l’invocation de l’abus de droit ne signifie pas nécessairement que le cas clair doit être écarté ; en particulier, le cas clair peut être admis si le comportement d’une partie correspond à l’une des situations que la doctrine qualifie d’abus de droit manifeste (consid. 2.2).
L’instance d’appel décide, selon son appréciation, si elle doit rendre une décision réformatoire ou cassatoire. Elle peut rendre une décision réformatoire uniquement si la procédure est en état d’être jugée. L’instance d’appel doit en revanche renvoyer la cause à l’instance précédente lorsque celle-ci a rendu une décision d’irrecevabilité et ne s’est pas prononcée sur le fond. En cas de procédure de protection dans les cas clairs, ces principes ne sont toutefois applicables de la même façon : la décision d’irrecevabilité de la première instance peut également être rendue lorsque les conditions permettant d’accorder la protection dans les cas clairs ne sont pas remplies. De ce fait, la cour d’appel peut, dans ce cas, statuer dans une décision réformatoire si la procédure est en état d’être jugée et le renvoi doit rester l’exception (consid. 6.1).
TF 4A_420/2023 du 9 janvier 2024
Bail à ferme agricole; prolongation; procédure; valeur litigieuse du recours au Tribunal fédéral; prolongation du bail à ferme agricole; art. 26 al. 1 et 27 al. 4 LBFA; 74 al. 1 LTF
La valeur litigieuse de CHF 15'000.- (art. 74 al. 1 let. a LTF) ne s’applique pas dans les affaires de baux à ferme agricoles. Dans ce domaine, la valeur litigieuse qui doit être atteinte pour que le recours en matière civile soit recevable est donc de CHF 30'000.- (art. 74 al. 1 let. b LTF) (consid. 1).
Aux termes de l’art. 26 LBFA, lorsqu’une partie au bail donne congé à l’autre, celle-ci peut intenter action en prolongation du bail dans les trois mois qui suivent la réception du congé. Le juge peut alors prolonger le bail de trois à six ans en tenant compte des circonstances du cas d’espèce (art. 27 al. 4 LBFA) (consid. 4.1).
TF 4A_332/2023 du 11 janvier 2024
Résiliation; résiliation pour défaut de paiement; avis comminatoire; indication des loyers impayés; art. 257d CO
L’art. 257d CO permet au bailleur, à certaines conditions, de résilier le bail lorsque le locataire est en retard dans le paiement du loyer. Cette résiliation présuppose que le bailleur notifie au locataire un avis comminatoire suffisamment clair et précis, qui doit indiquer – de façon déterminée ou au moins déterminable – le montant de l’arriéré à payer. Le montant en souffrance est en particulier déterminable lorsque les mois de loyers impayés sont désignés (consid. 4.1).
L’indication d’un arriéré trop élevé n’entraîne cependant pas nécessairement l’inefficacité de l’avis comminatoire : le locataire qui constate une erreur doit la signaler au bailleur, à défaut de quoi il ne mérite pas d’être protégé (consid. 4.1).
TF 4A_582/2023 du 12 janvier 2024
Procédure; contestation de l’état de fait; maxime inquisitoire sociale; examen d’office des conditions de recevabilité; art. 105 LTF; 9 Cst.; 243 al. 2 et 60 CPC
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l’autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) et ne peut s’en écarter que si ceux-ci ont été établis de façon manifestement inexacte (c’est-à-dire arbitraire) ou en violation du droit au sens de l’art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). L’appréciation des preuves est arbitraire lorsque le juge du fait n’a manifestement pas compris le sens et la portée d’un moyen de preuve, a omis sans raison objective de prendre en compte des preuves pertinentes ou a tiré des déductions insoutenables des éléments recueillis. La partie qui allègue l’arbitraire dans la constatation des faits doit expliquer clairement et en détail en quoi ce vice serait réalisé (consid. 2.1).
Le fait que la maxime inquisitoire sociale (art. 243 al. 2 CPC) s’applique et que le tribunal doit examiner d’office les conditions de recevabilité (art. 60 CPC) ne dispense pas les parties de collaborer à l’établissement des faits, en alléguant ceux qui sont pertinents et en indiquant les moyens de preuve propres à les établir (consid. 4).
TF 4A_579/2023 du 19 janvier 2024
Procédure; sûretés en garantie des dépens; art. 99 ss CPC
Lorsqu’il examine si le demandeur doit fournir des sûretés en garantie des dépens (art. 99 ss CPC), le tribunal ne doit pas tenir compte des chances de succès du demandeur dans la procédure (et ne doit donc pas renoncer à requérir des sûretés si ses chances de succès sont bonnes). Une telle approche serait contraire au but des sûretés, qui est de protéger la partie involontairement impliquée dans une procédure contre le risque de non-paiement de l’indemnité dans l’hypothèse où elle gagne le procès (consid. 3.3).
TF 4A_453/2023 du 18 décembre 2023
Procédure; observation du délai de recours ou d’appel; mémoire adressé à la mauvaise autorité; art. 319 ss CPC; 48 al. 3 LTF
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 140 III 636), un appel ou un recours au sens du CPC déposé dans les délais auprès de l’iudex ad quo (c’est-à-dire auprès de l’instance ayant rendu la décision) est considéré comme ayant été formé à temps et le tribunal doit transmettre l’acte sans délai à l’autorité d’appel ou de recours compétente (consid. 2.3.3).
Cette jurisprudence consacre ainsi une application par analogie de l’art. 48 al. 3 LTF aux voies de recours prévues par le CPC. Toutefois, celle-ci doit être limitée aux cas où l’acte est adressé par erreur au iudex ad quo et ne vaut pas lorsqu’il est déposé auprès d’une autre instance incompétente, qu’elle soit dans le même canton, dans un autre canton ou fédérale (consid. 2.3.2).
TF 4A_571/2023 du 18 janvier 2024
Procédure; intérêt digne de protection; expulsion; art. 76 al. 1 let. b LTF; 59 al. 2 let. a CPC
Selon l’art. 76 al. 1 let. b LTF, la qualité pour recourir suppose que la partie recourante dispose d’un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification. Il doit s’agir d’un intérêt pratique et actuel. S’il fait défaut au moment du dépôt du recours, le Tribunal fédéral n’entre pas en matière ; s’il disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet et l’affaire est classée. La partie recourante doit exposer en quoi les conditions de l’art. 76 al. 1 LTF sont remplies (consid. 2.1).
L’intérêt digne de protection est également une condition de recevabilité d’une demande ou d’une requête au sens du CPC (art. 59 al. 2 let. a CPC) (consid. 3).
L’intérêt digne de protection fait défaut lorsque le recourant est un locataire qui, après avoir été expulsé de son logement, agit en constatation de la nullité ou en annulation de la résiliation du contrat de bail (consid. 3).
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