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Newsletter juillet 2023
Editée par Bohnet F., Carron B., Percassi M.-L., avec la participation de Grobet Thorens K.
Une référence, aussi en droit du bail
Paru pour la première fois en 2003, le Commentaire romand du CO I est devenu en vingt ans un ouvrage incontournable en droit des obligations. En particulier, le commentaire du droit du bail rédigé par David Lachat – désormais secondé par François Bohnet dans la 3e édition – a été salué pour sa grande qualité et son traitement équilibré de la matière. La nouvelle édition est entièrement mise à jour aussi bien au niveau législatif que jurisprudentiel et doctrinal.
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« Les quelque 160 pages du Commentaire romand consacrées au droit du bail à loyer font partie de l’équipement dont tout bureau devrait disposer. (…) Le point particulièrement positif à relever chez David Lachat, en plus de ceux déjà mentionnés, est sa manière de mentionner et de traiter les avis divergents. Cela ne va pas de soi dans un domaine aussi politisé que le droit du bail et garantit le caractère équilibré de son commentaire (…) »
(mp 1/2004, sur la 1re édition)
TF 4A_12/2023 du 31 mars 2023
Résiliation; expulsion; procédure; protection dans les cas clairs; abus de droit; notification de plusieurs congés; assistance judiciaire; chances de succès; art. 257d CO; 257 CPC; 64 LTF; 2 al. 2 CC
Le tribunal admet la protection dans les cas clair au sens de l’art. 257 CPC lorsque l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). S’agissant de la deuxième condition, le Tribunal fédéral rappelle qu’elle n’est généralement pas remplie lorsque l’application d’une norme requiert que le tribunal fasse usage de son pouvoir d’appréciation ou prenne une décision en équité, par exemple lorsqu’il doit apprécier la bonne foi d’une partie. Toutefois, l’invocation de l’abus de droit ne signifie pas nécessairement que le cas clair doit être écarté ; en particulier, le cas clair peut être admis si le comportement d’une partie correspond à l’une des situations que la doctrine qualifie d’abus de droit manifeste (consid. 3.2).
Un comportement totalement contradictoire – même s’il ne vise pas à décevoir des attentes légitimes – peut être considéré comme un abus de droit (consid. 7.4).
Après avoir résilié le bail de manière ordinaire, un bailleur peut notifier une résiliation extraordinaire pour une date de résiliation antérieure à la date de résiliation ordinaire. Il peut également, à titre subsidiaire, notifier un second congé ordinaire en cas d’inefficacité d’un congé extraordinaire, de même que répéter un congé nul ou inefficace pour des raisons formelles (par exemple un vice de forme) (consid. 7.1). Le Tribunal fédéral considère ainsi en l’espèce que rien ne s’oppose à ce que le bailleur, après avoir notifié un congé ordinaire et un congé extraordinaire contestés par le locataire, notifie une résiliation extraordinaire pour arriérés de paiement alors que la procédure relative aux deux premières résiliations est pendante ; il ne s’agit pas d’une résiliation conditionnelle (consid. 7.2).
L’une des conditions de l’assistance judiciaire est que la cause ne soit pas dépourvue de chances de succès (art. 64 al. 1 LTF). En cas de recours, cette condition est en principe remplie lorsque la partie qui demande l’assistance judiciaire est intimée et qu’elle avait obtenu gain de cause devant l’instance précédente. Il convient toutefois de s’écarter de ce principe lorsque la décision attaquée est entachée d’un vice manifeste ; dans ce cas, on peut attendre de la partie intimée qu’elle se soumette au recours (consid. 8.2).
Commentaire de l'arrêt TF 4A_12/2023
Pluralité de résiliations et protection dans les cas clairs en matière d’évacuationTF 4A_417/2022 du 25 avril 2023
Conclusion; commercial; défauts; loyer; production d’expertises en procédure; surface de la chose louée; interprétation du contrat; règle in dubio contra stipulatorem; art.18, 253, 257, 258 ss CO
Dans une procédure de recours ou d’appel, la production d’expertises juridiques ou d’avis de droit est admissible si elle intervient dans le délai qui s’applique pour contester la décision – délai durant lequel les griefs doivent être présentés de manière complète. L’éventuel deuxième échange d’écritures n’est en revanche destiné ni à compléter une motivation insuffisante ni à introduire des arguments nouveaux après l’expiration du délai d’appel (consid. 3.1).
Une chose louée est notamment affectée d’un défaut lorsqu’elle ne présente pas une qualité que le bailleur a promise ; il peut en aller ainsi lorsque la surface louée mentionnée dans le contrat est supérieure à la surface réelle des locaux loués. Pour déterminer si tel est le cas, le contrat doit être interprété (consid. 5.1).
Pour interpréter une clause contractuelle, le tribunal doit d’abord rechercher la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective). Il pourra tenir compte d’indices, comme les déclarations des parties et le contexte général. Si le tribunal ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, il devra recourir à l’interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d’après les règles de la bonne foi, chacune d’elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre. Dans ce contexte, le sens du texte n’est pas forcément déterminant (consid. 5.2).
La règle in dubio contra stipulatorem ne peut trouver application lorsque l’interprétation objective a permis de dégager la volonté des parties. En outre, le Tribunal fédéral souligne qu’il serait douteux de faire recours à cette règle dans le cas présent, étant donné que, même si le texte des contrats a été rédigé par la bailleresse, les contrats ont été discutés page par page et ont été vérifiés par un juriste de la société locataire (consid. 6.2.2).
TF 4A_98/2023 du 12 mai 2023
Conclusion; bail à ferme; procédure; décision arbitraire; appréciation des preuves arbitraire; forme convenue du contrat; art. 16 al. 1 CO; 9 Cst.; 74 al. 1 let. a LTF
L’art. 74 al. 1 let. a LTF se rapporte aux contrats de bail à loyer, et ne s’applique pas en matière de bail à ferme (consid. 1.1).
Une décision est arbitraire lorsqu’elle est manifestement insoutenable ou clairement en contradiction avec les faits de la cause, viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l’équité (consid. 2.3.1). L’appréciation des preuves est arbitraire lorsque le tribunal a manifestement méconnu le sens et la portée d’un moyen de preuve, a, sans fondement, omis de tenir compte d’un moyen de preuve pertinent ou a tiré une conclusion insoutenable de la situation de fait (consid. 2.3.2).
La présomption de l’art. 16 al. 1 CO (selon laquelle les parties qui ont convenu une forme spéciale pour un contrat sont réputées n’avoir entendu se lier que si cette forme est respectée) peut être renversée en prouvant que les parties ont en réalité manifesté leur volonté concordante de se lier, mais pas dans la forme convenue. L’accomplissement d’actes valant exécution du contrat est un fort indice en ce sens (consid. 3.2.1).
TF 4A_523/2022 du 9 mai 2023
Résiliation; expulsion; procédure; expulsion du locataire; procédure de protection dans les cas clairs; allégation et preuve des conditions de la résiliation pour défaut de paiement; art. 257d CO; 257 CPC
La réglementation de l’art. 257d CO signifie que le locataire mis en demeure doit évacuer l’objet loué dans les plus brefs délais s’il ne paie pas le loyer en retard ; une prolongation du bail est exclue. Si le locataire invoque une contre-créance, il doit pouvoir la prouver sans délai – principe qui s’applique également dans le cadre de la procédure de protection dans les cas clairs de l’art. 257 CPC (consid. 3.1). Il appartient au bailleur d’alléguer et de prouver les conditions de l’art. 257d CO (faits générateurs de droit), conformément aux exigences de l’art. 257 CPC. De son côté, le locataire qui oppose des objections ou exceptions doit prouver celles-ci sans délai (consid. 3.3).
Aux termes de l’art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l’application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les deux conditions suivantes sont remplies : (a) l’état de fait n’est pas litigieux (c’est-à-dire qu’il n’est pas contesté par le défendeur) ou est susceptible d’être immédiatement prouvé (ce qui signifie que les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais) et (b) la situation juridique est claire (ce qui est le cas lorsque l’application de la norme au cas concret s’impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvées). En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n’entre pas en matière sur la requête (consid. 3.2.1, 3.2.2.1 et 3.2.2.2).
Le bailleur qui résilie le bail en sachant que le locataire conteste le décompte de frais accessoires, et qui dépose une requête en expulsion selon la procédure du cas clair, prend le risque de voir sa requête déclarée irrecevable, faute de pouvoir établir sans retard et par titres le montant de frais accessoires qui lui est encore dû (consid. 4.1).
TF 4A_574/2022 du 23 mai 2023
Résiliation; expulsion; procédure; expulsion du locataire; procédure de protection dans les cas clairs; compensation; art. 257d CO; 257 CPC
La réglementation de l’art. 257d CO signifie que le locataire mis en demeure doit évacuer l’objet loué dans les plus brefs délais s’il ne paie pas le loyer en retard ; une prolongation du bail est exclue. Si le locataire invoque une contre-créance, il doit pouvoir la prouver sans délai – principe qui s’applique également dans le cadre de la procédure de protection dans les cas clairs de l’art. 257 CPC (consid. 3.1). Il doit ainsi alléguer et prouver que, sommé de payer son loyer sous menace de résiliation, il a fait la déclaration de compensation avant l’échéance du délai de grâce de l’art. 257d al. 1 CO (consid. 3.4).
Aux termes de l’art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l’application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les deux conditions suivantes sont remplies : (a) l’état de fait n’est pas litigieux (c’est-à-dire qu’il n’est pas contesté par le défendeur) ou est susceptible d’être immédiatement prouvé (ce qui signifie que les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais) et (b) la situation juridique est claire
(ce qui est le cas lorsque l’application de la norme au cas concret s’impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvées). En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n’entre pas en matière sur la requête (consid. 3.2.1, 3.2.2.1 et 3.2.2.2).
TF 4A_45/2022 du 23 mai 2023
Procédure; substitution de partie; radiation du rôle; art. 59 al. 2 let. a, 242 CPC
La fusion d’une société anonyme partie à la procédure avec une autre société anonyme conduit à une succession universelle et une substitution de partie dans le procès, qui ne nécessite pas le consentement de la partie adverse (consid. 5).
L’art. 242 CPC prévoit que si la procédure prend fin pour d’autres raisons sans avoir fait l’objet d’une décision, elle est rayée du rôle. Lorsqu’une autorité envisage d’appliquer cette disposition, elle doit – en vertu du droit d’être entendu découlant des art. 53 CPC et 29 al. 2 Cst. – consulter les parties, à moins que l’absence d’intérêt digne de protection soit évidente. L’obligation d’entendre les parties concerne également la répartition des frais suite à la décision prise sur la base de l’art. 242 CPC.
TF 4A_164/2023 du 23 mai 2023
Procédure; restitution de délai; art. 148 CPC
L’art. 148 CPC permet à une partie défaillante d’obtenir un délai supplémentaire ou une nouvelle audience lorsque le défaut ne lui est pas imputable ou qu’il est uniquement imputable à une faute légère. En particulier, une maladie subite ou d’une certaine gravité, qui empêche la partie de se rendre à une audience ou d’agir à temps, peut justifier une restitution de délai. La requête de restitution de délai doit rendre vraisemblables les conditions d’application de l’art. 148 CPC ; ainsi, elle doit mentionner l’empêchement et être accompagnée des moyens de preuves disponibles. Etant donné que le tribunal amené à se prononcer sur la requête de restitution dispose d’une marge d’appréciation, le Tribunal fédéral n’intervient qu’avec retenue si un recours à ce sujet est déposé devant lui (consid. 3.1).
TF 4A_14/2023 du 9 mai 2023
Procédure; récusation; art. 47 CPC
La garantie d’un tribunal indépendant et impartial (qui résulte des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH) permet de demander la récusation d’un juge. Il n’est pas nécessaire qu’une prévention effective soit établie ; il suffit que les circonstances donnent l’apparence d’une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances objectivement constatées peuvent cependant être prises en compte (consid. 3.1.2).
L’art. 47 al. 2 CPC liste de manière exemplative quelques cas qui ne constituent pas à eux seuls un motif de récusation. Dans ce contexte, lorsque le juge du fond a été amené à rendre une décision de conduite de la procédure, il convient d’examiner comment il s’est déterminé ; la portée de la décision ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour la conduite de la procédure, ce qui ne doit pas être admis à la légère (consid. 3.1.3).
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