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Newsletter janvier 2019
Editée par Bohnet F., Carron B., Dietschy-Martenet P.
TF 4A_141/2018 du 4 septembre 2018
Décès; transfert; procédure; principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral; transfert de bail à l’un des héritiers du locataire décédé; qualité pour contester le congé; interprétation de la volonté des parties lors de la conclusion d’un accord selon le principe de la confiance; art. 1, 18, 32, 271 al. 1 lit. f CO; 560 CC; 90, 112 LTF
Le principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral signifie que l’autorité cantonale à laquelle une affaire est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du Tribunal fédéral ; en l’espèce, le Tribunal fédéral avait renvoyé la cause à la cour cantonale pour qu’elle indique les motifs pour lesquels il y avait eu un changement dans sa composition entre les deux arrêts qu’elle avait rendus dans la même affaire ; en pratique, dans un tel cas, pour des raisons d’économie de procédure, le Tribunal fédéral annule également l’arrêt attaqué de façon à ce que le recourant puisse interjeter un nouveau recours en matière civile, en se déterminant sur les motifs que la cour cantonale aura indiqués ; dans son nouvel arrêt, la cour cantonale ne pouvait qu’indiquer ses motifs, mais ne pouvait modifier ni la composition de la cour pour rendre son nouvel arrêt, ni les motifs de son admission de l’action du demandeur ; elle aurait pu choisir d’indiquer les motifs qui lui étaient demandés dans un seul arrêt final mais aussi, comme elle l’a fait, de rendre d’abord un arrêt séparé indiquant les motifs pour lesquels la composition de la Chambre avait changé, puis un arrêt final sur le fond (consid. 1).
Le bail du défunt fait partie de sa succession et passe de plein droit aux héritiers, qui prennent sa place dans la relation contractuelle avec le bailleur ; selon la jurisprudence, seul le ou les héritiers qui habitaient avec le défunt dans le logement et qui lui succèdent dans la relation contractuelle jouissent de la protection contre les congés abusifs ; celle-ci n’est accordée que si l’enfant adulte qui succède au locataire décédé habitait le logement litigieux à titre principal ; la jurisprudence admet que chaque héritier puisse agir seul en annulation de la résiliation lorsque son ou ses cohéritiers s’y refusent, pour autant qu’il assigne également celui ou ceux-ci en justice à côté du bailleur ; en l’espèce, la cour cantonale n’a pas constaté si l’héritier demandeur et sa famille utilisaient l’appartement avec la défunte ; en revanche, elle a retenu qu’il était établi que la cohéritière était d’accord avec le transfert du bail à son frère, et donc qu’elle ne faisait valoir aucune prétention à ce titre (consid. 4).
En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective ; par conséquent, ce n’est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat qu’il doit recourir à l’interprétation objective (principe de la confiance) ; lorsqu’une partie au contrat manifeste sa volonté par l’intermédiaire d’un représentant, la volonté exprimée par le représentant est déterminante pour savoir si un contrat a été conclu ; le représentant engage également le représenté par ce qu’il savait ou devait savoir ; en l’espèce, c’est à juste titre que la cour cantonale a procédé à une interprétation selon le principe de la confiance ; le Tribunal fédéral confirme l’appréciation de la cour cantonale, qui a considéré que lorsque la propriétaire, par sa régie, a écrit « être disposée » à transférer le bail à l’un des héritiers de la locataire décédée, elle pouvait être comprise de bonne foi par le destinataire comme ayant « décidé » de transférer le bail, ce d’autant plus que la régie demandait la production de documents supplémentaires « pour le bon ordre de ses dossiers », ce qui impliquait que ces documents n’étaient exigés que pour la forme (consid. 5).
Commentaire de l'arrêt TF 4A_141/2018
Patricia Dietschy
Professeure titulaire à l'Université de Neuchâtel, juge suppléante au Tribunal cantonal vaudois, avocate-conseil à Lausanne
TF 4A_285/2018 du 26 novembre 2018
Loyer; procédure en cas clair et moyens défensifs; notification du loyer initial; notion de logement de luxe; art. 253b al. 2, 269d, 270 CO; 257 CPC
La procédure en cas clair suppose que l’état de fait ne soit pas litigieux ou qu’il soit susceptible d’être immédiatement prouvé et que la situation juridique soit claire, à défaut de quoi le juge n’entre pas en matière ; le cas n’est pas clair lorsqu’en fait ou en droit, la partie défenderesse oppose des objections ou exceptions motivées sur lesquelles le juge n’est pas en mesure de statuer aussitôt ; l’échec de la procédure sommaire ne suppose pas que la partie défenderesse rende vraisemblable l’inexistence, l’inexigibilité ou l’extinction de la prétention élevée contre elle, il suffit que les moyens de cette partie soient aptes à entraîner le rejet de l’action, qu’ils n'apparaissent pas d’emblée inconsistants et qu’ils ne se prêtent pas à un examen en procédure sommaire (consid. 5) ; les dispositions sur la protection contre les loyers abusifs ne s’appliquent pas aux baux portant sur un logement de luxe comprenant six pièces ou plus ; le bailleur n’est dans ce cas pas tenu de notifier l’avis de fixation du loyer initial sur formule officielle qui est le cas échéant prescrit par le droit cantonal ; le nombre minimum des pièces et le caractère luxueux du logement en cause sont des conditions cumulatives, que le juge apprécie librement, sur la base d’un examen concret de toutes ses caractéristiques et de l’impression générale qui en résulte ; en l’espèce, il n’est pas contesté que le bailleur n’a pas notifié le loyer initial sur formule officielle ; il n’est cependant pas clair qu’il ait pu valablement se dispenser de notifier le loyer initial de cette manière ; la cour cantonale a donc à juste titre refusé d’entrer en matière sur la requête de cas clair portant sur le paiement de loyers en souffrance (consid. 7).
TF 4A_356/2018 du 10 décembre 2018
Loyer; nullité partielle du contrat en ce qui concerne le montant des loyers couverts par un contrôle étatique; art. 20, 269, 269c, 270 CO
Selon la jurisprudence, un bail d’habitation est partiellement nul lorsque le bailleur n’a pas dûment remis au locataire l’avis de fixation du loyer initial qui est exigé, le cas échéant, par les dispositions cantonales applicables ; le loyer convenu est alors seul frappé de nullité ; en pareil cas, le locataire peut saisir d’abord l’autorité de conciliation, puis le juge en vue de faire fixer le loyer ; il en va de même, lorsque, comme en l’espèce, l’action du locataire n’est pas fondée sur un vice de l’avis de fixation du loyer initial, mais sur l’inobservation des dispositions cantonales instituant un contrôle étatique des loyers ; dans un tel cas, la nullité partielle ne frappe que les montants convenus pour les années de bail soumises au contrôle étatique des loyers (consid. 8 à 11).
TF 4A_257/2018 du 24 octobre 2018
Défaut; résiliation; procédure; bail commercial; conditions pour recourir au Tribunal fédéral contre une décision partielle et contre une décision incidente; congé anticipé fondé sur l’exécution de travaux par le locataire sans autorisation du bailleur; art. 257f al. 3 CO; 4 CC; 91 lit. a, 93 al. 1 lit. a LTF
Le recours au Tribunal fédéral est recevable contre toute décision qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause ; la décision partielle est une variante de la décision finale, dans la mesure où elle statue de manière finale sur un ou plusieurs chefs d’une demande, mais renvoie l’examen d’un ou de plusieurs autres chefs de la demande à une décision ultérieure ; en l’espèce, la cour cantonale a statué définitivement sur la question de la résiliation du bail et celle de l’expulsion qui lui est liée ; ces questions sont distinctes de celle de la fixation des montants de loyers à déconsigner et n’entraînent pas un risque de décisions contradictoires ; l’arrêt attaqué est donc sur ces questions une décision partielle ; en revanche, les décisions de renvoi à une instance cantonale inférieure ne mettent pas fin à la procédure et sont des décisions préjudicielles ou incidentes, qui ne peuvent en principe être attaquées devant le Tribunal fédéral qu’à la condition que la décision puisse causer un préjudice irréparable ; en l’espèce, les bailleurs n’invoquent pas de préjudice juridique irréparable et ne démontrent notamment pas en quoi le fait d’attendre que les instances cantonales se prononcent sur la question des montants de loyers à déconsigner serait de nature à leur causer un tel préjudice ; leur recours est donc irrecevable sur ce point (consid. 1).
Le congé anticipé fondé sur l’art. 257f al. 3 CO suppose la réunion de cinq conditions cumulatives, parmi lesquelles la violation du devoir de diligence par le locataire ; les travaux effectués à l’objet loué sans autorisation du bailleur peuvent constituer une telle violation, en particulier s’ils sont effectués de manière inappropriée, s’ils portent atteinte à la chose louée ou s’ils lui causent un défaut ; en l’espèce, on ne peut pas reprocher à la cour cantonale d’avoir retenu que la locataire ne pouvait pas procéder de son propre chef à la réouverture de l’issue de secours sur l’extérieur de la cuisine en démolissant la façade, dans la mesure où elle a ignoré l’opposition des bailleurs qui ont fait appel à la police et où elle a ignoré ensuite leur sommation de remise en état des lieux, leur dépôt de la plainte pénale et leur seconde sommation de remise en état, avec menace de résiliation du bail pour justes motifs ; le seul fait que, des années plus tard et au terme d’une procédure judiciaire, il a été reconnu que l’issue de secours condamnée par l’ancien gérant du restaurant avait été murée de manière illicite par les bailleurs et qu’une seconde issue de secours pouvait se situer à l’endroit de la cuisine, n’autorisait pas la locataire à agir directement comme elle l’a fait sans violer les droits de propriété des bailleurs et, partant, son devoir de diligence (consid. 4).
TF 4A_411/2018 du 7 décembre 2018
Procédure; assistance judiciaire; condition de l’indigence; art. 117 CPC; 93 al. 1 lit. a LTF
Le refus de l’assistance judiciaire est une décision incidente de nature à causer un préjudice irréparable au plaideur requérant ; cette décision est donc susceptible d’un recours en matière civile au Tribunal fédéral lorsque la valeur litigieuse minimale est atteinte ; lorsque la partie adverse au procès n’a pas annoncé de demande de sûretés en garantie des dépens, elle n’est pas partie à la procédure incidente portant sur l’assistance judiciaire (consid. 3) ; une partie a droit à l’assistance judiciaire si elle ne jouit pas des ressources suffisantes et que sa cause ne paraît pas dénuée de chance de succès ; les ressources sont considérées comme insuffisantes lorsque, au regard de la situation économique globale du plaideur, y compris sa fortune, celui-ci n’est pas en mesure d’assumer les frais du procès sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille ; la part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la couverture des besoins personnels doit être comparée aux frais prévisibles de l’instance ; l’assistance judiciaire n’est pas accordée lorsque la part disponible permet de couvrir les frais judiciaires et d’avocat en une année au plus pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres ; en l’espèce, la recourante a reçu une libéralité de CHF 500'000.- qu’elle a dépensée à hauteur de CHF 380'000.- ; le solde de CHF 120'000.- permet de toute évidence de couvrir les frais du procès en contestation de la résiliation du bail (consid. 4).
TF 5D_89/2018 du 15 novembre 2018
Poursuite; procédure; mainlevée provisoire; devoir d’alléguer le paiement du loyer litigieux; art. 82 al. 2 LP; 326 CPC
Le locataire doit alléguer le fait qu’il a versé le loyer litigieux sur le compte de la bailleresse dans le cadre de la procédure de mainlevée provisoire de première instance ; au stade du recours cantonal, cette allégation constitue un fait nouveau qui n’est pas admissible (consid. 2).
TF 4A_260/2018 du 28 novembre 2018
Bail à ferme agricole; acquisition d’un immeuble agricole sans procédure d’autorisation; conséquence juridique; art. 70 LDFR
Le simple octroi d’un droit d’emption portant sur un immeuble agricole ne nécessite pas d’autorisation, une autorisation étant en revanche nécessaire pour l’exercice du droit d’option ; la question se pose de savoir quelle est la conséquence juridique de l’absence totale de procédure d’autorisation lors de l’acquisition d’un immeuble agricole, comme c’est le cas en l’espèce ; la cour cantonale a considéré à tort que l’acte était nul avec effet rétroactif ; en effet, ce n’est pas l’acte générateur d’obligation qui est soumis à autorisation, mais l’acte de disposition, soit l’inscription au registre foncier, qui correspond à l’exécution du contrat ; l’autorisation est une décision administrative qui a des effets de droit privé ; la jurisprudence a eu l’occasion de retenir que l’absence d’autorisation entraînait une invalidité provisoire de l’acte jusqu’à la décision d’autorisation ; en l’espèce, comme aucune procédure d’autorisation n’a été engagée, le contrat de vente n’est pas nul, mais provisoirement invalide ; contrairement à ce que soutient le recourant, le contrat ne devient cependant pas valable du seul fait de l’écoulement du temps (consid. 2).
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