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Newsletter décembre 2023
Editée par Bohnet F., Carron B., Percassi M.-L., avec la participation de Rubli X.
Toute l'équipe du Centre Bail et PPE vous souhaite de joyeuses fêtes de Noël et formule ses voeux pour une année 2024 riche de succès, de satisfactions et de bonne santé
La fin d’une longue attente
« Un ouvrage de tous les jours pour les praticiens, accessible également aux professionnels confrontés au droit de la famille, à qui un ouvrage de référence tel que celui-ci sera rapidement indispensable. » (plaidoyer 1/2011, sur la 1re édition)
Ce n’est pas la première fois que le Commentaire romand du Code civil I est mis en avant dans cette newsletter, mais cette annonce-ci a cela de spécial que la nouvelle édition – tant attendue – est désormais sortie de presse et disponible !
Outre les nouveautés jurisprudentielles et doctrinales, cette 2e édition présente aussi les nombreuses révisions intervenues ces dernières années en droit civil, en particulier celles relatives au partage de la prévoyance, à l’autorité parentale, l’entretien de l’enfant, l’adoption, la protection de l’enfant et de l’adulte ou encore au droit du nom. Elle comprend désormais aussi le droit de la protection de l’adulte, qui avait été laissé de côté dans la 1re édition car il était en cours de révision.
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CPC annoté
François Bohnet
- Extraits de toute la jurisprudence publiée et non publiée du Tribunal fédéral en matière de procédure civile
- Présentation systématique et raisonnée permettant de saisir rapidement les principes essentiels et d’avoir accès à une très riche casuistique
- Traduction de passages essentiels d’arrêts publiés et non publiés rendus en allemand
- Mise en perspective avec les nombreux principes établis sous l’ancien droit
2e édition 2022
1050 pages, relié
ISBN 978-2-9701616-0-8
Au prix spécial de CHF 180.- pour les abonnés de la newsletter Bail.ch (au lieu de CHF 268.-), en utilisant le code "bail".
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TF 4A_337/2022 - ATF 150 III 103 du 24 octobre 2023
Procédure; divers; qualification d’une construction (mobilière ou immobilière); notion de «protection contre les congés» au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC; demande reconventionnelle; art. 642, 667 al. 1, 677 CC; 224 al. 1 et 243 al. 2 let. c CPC
Selon l’art. 677 al. 1 CC, les constructions légères, telles que chalets, boutiques, baraques, élevées sur le fonds d’autrui sans intention de les y établir à demeure, appartiennent aux propriétaires de ces choses. Ces constructions sont mobilières et ne sont pas soumises au principe de l’accession (art. 667 CC), ce qui signifie qu’elles demeurent la propriété de ceux qui les ont établies. En revanche, les constructions unies durablement au fonds appartiennent au propriétaire de ce fonds (consid. 5.1).
Pour qu’une construction puisse être qualifiée de mobilière au sens de l’art. 677 CC, elle doit présenter un élément subjectif, qui est l’intention des parties d’établir une relation temporaire entre la chose et le fonds, et un élément objectif, qui consiste en un lien externe entre la chose et le fonds, qui doit être, dans une certaine mesure, reconnaissable extérieurement. Si une construction entre dans les catégories de l’art. 677 CC, l’intention des parties est très importante. Ce n’est que si la construction a été dès le début unie au sol de manière si intense que, selon l’usage local, elle en constitue un élément essentiel, c’est-à-dire qu’elle en est une partie intégrante, que l’intention des parties n’est pas décisive (consid. 5.2).
La notion de « protection contre les congés » au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC doit être comprise dans une acception large, dans la mesure où cette règle a pour but de protéger le locataire. Ainsi, un litige relève de cette notion dès que le tribunal doit se prononcer sur la fin du bail, que ce soit par exemple en raison d’un congé ordinaire ou extraordinaire ou en raison de l’inexistence d’un rapport contractuel ou de l’expiration d’un contrat de bail de durée déterminée (consid. 8.3.1).
L’art. 224 al. 1 CPC permet au défendeur de déposer une demande reconventionnelle uniquement si la prétention qu’il invoque est soumise à la même procédure que la demande principale. Ainsi, lorsque le locataire introduit une action en contestation de la résiliation portant sur un bail d’habitation, le bailleur peut prendre dans la même procédure des conclusions reconventionnelles en expulsion des locataires, car les deux procédures sont soumises à la procédure simplifiée en vertu de l’art. 243 al. 2 let. c CPC. Il faut toutefois réserver le cas spécial de l’action en expulsion intentée par le bailleur selon la procédure de protection dans les cas clairs de l’art. 257 CPC, laquelle est soumise à la procédure sommaire (consid. 8.3.1 et 8.3.2).
Commentaire de l'arrêt TF 4A_337/2022 - ATF 150 III 103
La distinction entre baux d’habitations et de terrains nus, et la procédure applicable en cas de conclusions reconventionnelles en remise en étatTF 4A_508/2022 du 3 octobre 2023
Partie générale CO; interprétation des manifestations de volonté; principe de la confiance; art. 1 al. 1 CO; 2 al. 1 CC
Si le tribunal ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat, il doit rechercher la volonté objective, selon le principe de la confiance. Ainsi, il doit déterminer le sens que, d’après les règles de la bonne foi, chacune des parties pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre en fonction de l’ensemble des circonstances (consid. 3.1).
Lorsque le sens d’une clause contractuelle paraît clair à première vue, il a lieu de s’y tenir lorsqu’il n’existe aucune raison sérieuse de penser qu’il ne correspond pas à la volonté des parties. En outre, la volonté interne de s’engager n’est pas le seul élément pertinent, et une obligation peut également découler d’un comportement duquel l’autre partie pouvait déduire une volonté de s’engager (consid. 3.1).
La détermination de la volonté objective des parties, selon le principe de la confiance, est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement (consid. 3.1).
TF 4A_143/2023 du 10 octobre 2023
Sous-location; résiliation; procédure; calcul de la valeur litigieuse; signification simultanée de résiliations extraordinaire et ordinaire; résiliation avec effet immédiat; absence de consentement à la sous-location; art. 262 al. 2, 257f al. 3 CO; 2 al. 2 CC
Lorsqu’un recours concernant une résiliation du bail émane du locataire, la durée déterminante pour le calcul de la valeur litigieuse ne saurait être inférieure à la période de trois ans de l’art. 271a al. 1 let. e CO, pendant laquelle une résiliation signifiée après une procédure judiciaire est annulable (consid. 1).
Une résiliation extraordinaire du bail peut être doublée d’une résiliation ordinaire de nature subsidiaire (confirmation de la jurisprudence initialement consacrée par l’ATF 137 III 389) (consid. 4.1).
L’art. 257f al. 3 CO – qui permet de résilier le bail avec effet immédiat – est applicable lorsque le locataire sous-loue l’appartement remis à bail sans requérir le consentement du bailleur en violation de l’art. 262 CO. Pour pouvoir procéder à la résiliation immédiate, le bailleur doit néanmoins avoir procédé à un avertissement ou une mise en demeure, et la sous-location doit se poursuivre malgré cela (consid. 5.1.2).
Si le consentement du bailleur n’a pas été demandé pour la sous-location, il peut résilier le bail (i) lorsqu’il aurait été en droit de refuser son consentement pour la sous-location en application d’une condition de l’art. 262 al. 2 CO, (ii) lorsque le simple fait de ne pas avoir requis son consentement préalable est de nature à anéantir le lien de confiance entre les deux parties ou encore (iii) lorsque le locataire abuse de son droit à la sous-location (consid. 5.1.3).
Le droit à la sous-location n’existe que si le locataire a l’intention de réutiliser lui-même la chose louée dans un avenir prévisible. Si ce n’est pas le cas, il y a substitution de locataire et donc abus de droit (consid. 5.1.3).
TF 4A_435/2023 du 29 septembre 2023
Procédure; caractère final ou incident d’une décision; préjudice irréparable; possibilité d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse; art. 93 al. 1 let. a et b LTF
La décision constatant l’irrecevabilité d’un appel contre une décision de première instance qui admet une demande de révision, annule la transaction conclue par les parties et ordonne la reprise de la cause n’est pas finale : elle ne met pas fin à la procédure, mais constitue une étape vers la décision finale, puisqu'elle entérine l’admission de la demande de révision (consid. 4.2). Une telle décision ne peut donc faire l’objet d’un recours qu’aux conditions de l’art. 93 al. 1 let. a ou let. b LTF (consid. 4.3).
L’art. 93 al. 1 let. a LTF permet de recourir si la décision contestée peut causer un préjudice irréparable. Ce préjudice doit être de nature juridique ; un dommage économique ou de pur fait (par exemple l’accroissement des frais de la procédure ou la prolongation de celle-ci) n’est pas suffisant (consid. 4.4.1).
Quant à l’art. 93 al. 1 let. b LTF, il ouvre le recours à condition que son admission puisse conduire immédiatement à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s’écarte notablement des procès habituels, cas de figure qui ne doit être retenu qu’avec réserve (consid. 4.5.1).
TF 4A_446/2023 du 19 octobre 2023
Procédure; irrecevabilité en raison d’un recours procédurier ou abusif; art. 42 al. 7 LTF
Selon l’art. 42 al. 7 LTF, le mémoire de recours introduit de manière procédurière ou à tout autre égard abusif est irrecevable (consid. 5).
En l’espèce, le Tribunal fédéral retient que le comportement des locataires et recourants est abusif et procédurier et déclare leur recours irrecevable. Ceux-ci ont recouru contre une décision prononçant leur expulsion par la voie du cas clair suite à une résiliation de bail pour défaut de paiement. Dans leur recours, ils soutenaient qu’ils ne devaient pas payer les loyers pour les mois d’octobre 2021 à août 2022. Le Tribunal fédéral souligne toutefois qu’ils n’ont pas payé les loyers de mai 2021 à septembre 2023 (l’arriéré de loyers s’élevant ainsi à CHF 224'655.60), de sorte qu’ils n’ont pas respecté leurs obligations découlant du contrat de bail pendant de nombreux mois. Dans ces circonstances, le fait de soulever une contestation ne portant que sur les loyers d’octobre 2021 à août 2022 ne poursuit qu’un but dilatoire (consid. 5).
TF 4A_266/2023 du 11 octobre 2023
Procédure; faits de double pertinence; erreur dans les voies de droit; art. 92 et 93 LTF
Les faits de double pertinence sont des faits dont dépendent tant la recevabilité d’une action que son admission au fond. Si les faits exposés par le demandeur n’apparaissent pas d’emblée spécieux ou incohérents, ils doivent être tenus pour vrais au moment d’apprécier la recevabilité de la demande. A ce stade, le tribunal doit uniquement se prononcer sur la question de savoir si les allégations sont concluantes et permettent de conclure que le for invoqué est correct. Cette décision n’est pas incidente au sens de l’art. 92 LTF, car la question de la compétence n’est pas effectivement tranchée ; elle entre donc dans la catégorie des « autres décisions incidentes » de l’art. 93 LTF (consid. 2.5).
L’indication inexacte des voies de recours dans une décision ne peut pas créer une voie de droit qui n’existe pas de par la loi. A cela s’ajoute que, dans le cas d’espèce, l’erreur dans les voies de droit était reconnaissable à la lecture d’un ATF, dont la recourante, représentée par un avocat, devait avoir connaissance (consid. 2.6).
TF 4A_201/2023 du 9 octobre 2023
Procédure; comparution personnelle en audience de conciliation; changement de jurisprudence; formalisme excessif; abus de droit; art. 204 et 206 CPC; 29 al. 1 Cst.; 2 al. 2 CC
En procédure de conciliation, les parties doivent comparaître personnellement (art. 204 al. 1 CPC). Pour ce faire, les personnes morales doivent être représentées par un organe ou par une personne au bénéfice d’une procuration commerciale portant sur la procédure et connaissant le litige, étant précisé que la représentation par un organe de fait n’est pas admissible (consid. 3.1.1). L’autorité de conciliation doit vérifier que les conditions de la comparution personnelle sont remplies. Si une partie ne comparaît pas personnellement, sans motif de dispense au sens de l’art. 204 al. 3 CPC, elle est défaillante ; les conséquences de ce défaut sont réglées à l’art. 206 CPC (consid. 3.1.2).
Un changement de jurisprudence n’est possible que si elle se fonde sur des motifs sérieux et objectifs. La nouvelle solution doit être justifiée par une meilleure compréhension de la ratio legis, un changement de circonstances extérieures ou une évolution des conceptions juridiques (consid. 3.5.1).
Il y a formalisme excessif, qui est une forme de déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.), lorsque des règles de forme rigoureuses s’imposent dans une procédure sans que cette rigueur ne soit objectivement justifiée, ou lorsque l’autorité applique des règles de forme avec une sévérité excessive ou pose des exigences excessives quant aux actes écrits, empêchant ainsi les parties de faire valoir leurs droits (consid. 3.6.1).
L’abus de droit est prohibé par l’art. 2 al. 2 CC. Pour savoir si une situation est constitutive d’abus de droit, l’ensemble des circonstances d’espèce doivent être prises en compte. Dans le cas présent, le Tribunal fédéral retient que la bailleresse et intimée commet un abus de droit en invoquant que la locataire et recourante n’était pas valablement représentée par C. lors de l’audience de conciliation. En effet, divers éléments démontrent que la bailleresse avait eu de nombreux contacts avec C. – y compris après la conciliation – et qu’elle considérait que C. était habilitée à prendre des décisions pour la locataire (consid. 4.3.3).
Commentaire de l'arrêt TF 4A_201/2023
Marie-Laure Percassi
Docteure en droit, collaboratrice scientifique à l'Université de Neuchâtel et avocate
TF 4A_316/2023 du 9 octobre 2023
Procédure; caractère final ou incident d’une décision; possibilité d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse; art. 93 al. 1 let. b LTF
La décision confirmant qu’une demande est recevable ne met pas fin à la procédure et n’est donc pas finale. Elle ne peut donc faire l’objet d’un recours qu’aux conditions de l’art. 93 al. 1 let. a ou let. b LTF (consid. 1.2).
L’art. 93 al. 1 let. b LTF permet de recourir contre une décision incidente à condition que l’admission du recours puisse conduire immédiatement à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Deux conditions doivent être remplies : premièrement, le Tribunal fédéral doit pouvoir mettre fin à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision incidente ; deuxièmement, la partie recourante doit établir qu’une décision finale immédiate permettrait d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Celle-ci doit, par sa durée et son coût, s’écarter notablement des procès habituels, cas de figure qui ne doit être retenu qu’avec réserve (consid. 1.3.1).
TF 4A_482/2023 du 31 octobre 2023
Procédure; devoir d’interpellation du tribunal; art. 56 CPC
Le devoir d’interpellation du tribunal (art. 56 CPC) est une atténuation de la maxime des débats, qui doit permettre d’éviter qu’une partie ne soit déchue de ses droits parce que ses allégués de fait et ses offres de preuves sont affectés de défauts manifestes. Ce devoir ne sert en revanche pas à réparer des négligences procédurales et ne doit pas avoir pour conséquence d’avantager unilatéralement une partie en violation du principe de l’égalité des armes. De plus, l’interpellation par le tribunal au sens de l’art. 56 CPC ne joue aucun rôle lorsqu’une partie n’offre aucun moyen de preuve pour une allégation déterminante (consid. 3.1).
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