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Newsletter octobre 2024
Editée par Bohnet F., Carron B., Percassi M.-L.
Le « CC&CO » nouveau est arrivé
Le Code civil et Code des obligations annoté ne se présente plus. Ouvrage emblématique du droit privé en Suisse romande, il paraît le 25 octobre prochain dans sa 12e édition, entièrement revue et actualisée. Comme précédemment, vous pouvez opter entre une version imprimée et une version combinant papier et numérique régulièrement mise à jour.
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TF 4A_75/2022 du 30 juillet 2024
Loyer; loyers indexés; hausse de loyer; rénovations; taux de rendement admissible; invocation du critère du taux hypothécaire en réaction à la hausse; art. 269a let. b, 270c CO; 14 OBLF
En cas de hausse de loyer consécutive à une rénovation d’appartement (art. 269a let. b CO), les investissements à plus-value sont rentés – pour les besoins du calcul – au même taux que celui défini dans le cadre du calcul du rendement net admissible (application de la jurisprudence de l’ATF 147 III 14 concernant le contrôle du loyer initial). Est ainsi autorisé un taux de rendement de 2% en sus du taux hypothécaire de référence tant que celui-ci est égal ou inférieur à 2% (consid. 4.3.3).
Durant la durée fixe (d’au moins cinq ans) d’un bail à loyers indexés (« période d’indexation »), le loyer ne dépend (sauf contestation du loyer initial) que de la variation de l’ISPC (art. 270c CO) (consid. 5.1). Il existe une exception : si les parties l’ont expressément prévu, le loyer peut être augmenté si le bailleur fournit une prestation supplémentaire (art. 269a let. b CO), comme des travaux à plus-value (art. 14 al. 1 OBLF). Dans ce cas, le locataire ne peut toutefois pas invoquer en réaction des facteurs relatifs tels que l’évolution du taux hypothécaire de référence pour réclamer une réduction de loyer compensant, voire dépassant la hausse querellée (consid. 5.2).
Commentaire de l'arrêt TF 4A_75/2022
François Bohnet
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
TF 4A_70/2024 du 6 août 2024
Commercial; résiliation; prolongation; bail commercial; résiliation pour besoin propre du bailleur; congé contraire à la bonne foi; prolongation du bail; art. 271 al. 1, 272 al. 1 CO
Le bailleur est en principe libre de résilier un contrat de bail de durée indéterminée pour la prochaine échéance contractuelle en respectant le délai de congé prévu (résiliation ordinaire), notamment pour utiliser les locaux lui-même ou pour ses proches parents ou alliés (consid. 4.1).
Lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est toutefois annulable lorsqu’il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). Tel n’est généralement pas le cas du congé donné par le bailleur pour pouvoir occuper lui-même le bien loué. En revanche, un congé ordinaire est en principe contraire aux règles de la bonne foi lorsqu’il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection et qu’il apparaît ainsi purement chicanier, lorsque le motif invoqué ne constitue manifestement qu’un prétexte, lorsque la motivation du congé est lacunaire ou fausse ou encore lorsqu’il consacre une disproportion grossière (ein krasses Missverhältnis) entre l’intérêt du locataire au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (consid. 4.2).
Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi, il est nécessaire de déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur, ce qui relève des constatations de fait. En revanche, le point de savoir si le congé contrevient aux règles de la bonne foi est une question de droit. Elle relève du pouvoir d’appréciation du juge (art. 4 CC) que le Tribunal fédéral ne revoit qu’avec retenue (consid. 4.3).
En cas de résiliation donnée pour effectuer des travaux de rénovation, d’assainissement ou de transformation, le bailleur doit disposer d’un projet suffisamment mûr et élaboré. Cette exigence ne s’applique pas dans le cas d’une résiliation pour besoin propre du bailleur ou de l’un de ses proches, même si des travaux sont envisagés – car, dans ce cas, ce ne sont pas les travaux eux-mêmes qui impliquent le départ du locataire, mais bien les besoins du bailleur ou de ses proches (consid. 4.4).
Les art. 272 al. 1 et 272b al. 1 CO permettent au locataire de demander la prolongation d’un bail commercial pour une durée de six ans au maximum, lorsque la fin du contrat aurait pour lui des conséquences pénibles et que les intérêts du bailleur ne les justifient pas. Le tribunal apprécie librement cette question selon les règles du droit et de l’équité. Une prolongation n’a de sens que si le report du congé permet d’espérer une atténuation des conséquences pénibles qu’entraînerait ce congé et laisse prévoir qu’un déménagement ultérieur présenterait moins d’inconvénients pour le locataire, lequel ne saurait en revanche invoquer les conséquences nécessairement liées à la résiliation du bail en tant que telle (consid. 6.1).
TF 4A_241/2023 du 29 juillet 2024
Loyer; rendement net admissible; éléments de calcul; art. 269 CO
La méthode du rendement net au sens de l’art. 269 CO se base sur le rendement net des fonds propres investis. L’idée est que le bailleur doit pouvoir fixer un loyer qui couvre ses charges et lui procure un rendement convenable sur le capital propre investi (consid. 4.1).
Pour ce calcul, les fonds propres effectivement (et non théoriquement) investis par le propriétaire sont rentés à un taux correspondant à 2% en sus du taux hypothécaire de référence pour autant que ce dernier atteigne un pourcentage inférieur ou égal à 2% (jurisprudence modifiée en 2020 pour tenir compte de la baisse continuelle du taux hypothécaire de référence), tandis que les fonds étrangers sont pris en compte (à titre de charges immobilières) au taux hypothécaire effectif. L’état locatif admissible pour l’immeuble est calculé en additionnant le rendement des fonds propres aux charges immobilières (consid. 4.1).
Dans le cadre de cette formule, le rendement des fonds propres correspond au montant desdits fonds propres, le cas échéant réévalué à 100% en fonction de l’évolution de l’ISPC, multiplié par le taux hypothécaire de référence (inférieur ou égal à 2%), plus 2% (consid. 4.1).
Quant aux charges immobilières, elles englobent (consid. 4.1) :
- Les intérêts hypothécaires (effectifs) sur les fonds empruntés ;
- Les frais d’exploitation (qui comprennent les impôts fonciers, les primes d’assurance liées à l’immeuble, les honoraires de gérance, le salaire du concierge, les frais d’eau et d’électricité des espaces communs) ;
- Les frais d’entretien (qui correspondent aux dépenses que le propriétaire/bailleur assume pour maintenir l’objet loué dans l’état correspondant à l’usage convenu, étant précisé que la moyenne des trois à cinq dernières années est prise en compte).
TF 4A_255/2024 du 20 août 2024
Résiliation; expulsion; résiliation; congé contraire à la bonne foi; motivation du congé; prolongation du bail; art. 266a al. 1, 271, 272 CO
Chaque partie est en principe libre de résilier un bail de durée indéterminée ; aucun motif particulier n’est exigé (art. 266a al. 1 CO). Un congé est toutefois annulable (art. 271 al. 1 CO) lorsqu’il est contraire à la bonne foi – c’est-à-dire lorsqu’il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection et qu’il apparaît ainsi purement chicanier ou consacrant une disproportion crasse entre l’intérêt du locataire au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (consid. 3.1).
Savoir quel est le motif de la résiliation est une question de fait. Même s’il appartient au destinataire du congé de prouver que celui-ci est contraire à la bonne foi, son auteur doit toutefois contribuer à la manifestation de la vérité, en motivant le congé sur demande (art. 271 al. 2 CO) et, en cas de contestation, en produisant tous les documents nécessaires à l’appréciation du motif du congé. Si la motivation du congé fait défaut ou est erronée, il peut s’agir d’un indice qu’il n’existe pas d’intérêt digne de protection au congé. La mauvaise foi est présumée lorsque le motif de résiliation indiqué est un prétexte et que le véritable motif ne peut pas être établi (consid. 3.1).
L’art. 272 CO permet au locataire de demander la prolongation du bail lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. L’octroi d’une prolongation a pour but de donner au locataire plus de temps pour la recherche d’un nouveau logement. Les circonstances pénibles permettant d’obtenir une prolongation du bail sont celles qui empêchent le locataire de trouver un objet de remplacement pendant le temps restant. Il doit s’agir de difficultés ou de désagréments qui peuvent être évités ou réduits par une prolongation du bail (consid. 4.1).
Lors de la détermination du type et de la durée de la prolongation, le tribunal dispose, dans les limites de la loi, d’un large pouvoir d’appréciation. Le Tribunal fédéral examine avec retenue de telles décisions (consid. 4.1).
TF 2D_2/2024 du 26 juillet 2024
Procédure; obligation de transmettre d’office un acte adressé à la mauvaise autorité; art. 29 al. 1 Cst.
Le droit à un procès équitable (art. 29 al. 1 Cst.) comprend notamment l’interdiction du déni de justice formel et du formalisme excessif. Le Tribunal fédéral en a déduit une obligation de transmission d’un acte lorsqu’une partie le dépose dans les délais, mais devant la mauvaise autorité. Cette obligation de transmettre s’applique lorsque la partie s’est trompée en raison d’une erreur, d’un doute ou d’une indication incorrecte des voies de droit, mais pas lorsque la mauvaise autorité a été sciemment saisie ou lorsque la partie est de mauvaise foi (consid. 3.3.1).
Cette jurisprudence ne s’applique qu’à l’intérieur d’un domaine juridique. Il n’y a pas d’obligation de transmettre lorsque des autorités de droit civil et pénal, ou de droit civil et administratif sont concernées. Dans ce cas, il est compatible avec l’art. 29 al. 1 Cst. que l’autorité saisie en premier se contente de prononcer l’irrecevabilité de l’acte (consid. 3.3.2). Dans le cas présent, le recourant a contesté une résiliation de son contrat de bail par la voie civile, alors qu’il aurait dû saisir une autorité administrative. Au vu de la jurisprudence précitée, le tribunal de première instance n’avait donc pas à transmettre l’acte d’office à l’autorité administrative compétente (consid. 3.3.3).
TF 4D_125/2024 du 5 septembre 2024
Procédure; intérêt digne de protection à l’annulation ou la modification de la décision contestée; mesures provisionnelles devant le Tribunal fédéral; art. 76 al. 1 let. b, 104 LTF
Le Tribunal fédéral n’entre en matière sur un recours que si la partie recourante possède un intérêt digne de protection à l’annulation ou la modification de la décision contestée (art. 76 al. 1 let. b LTF). Il doit s’agir d’un intérêt actuel et pratique. Par exception, le Tribunal fédéral renonce à cette condition lorsque les questions soulevées peuvent se poser à nouveau en tout temps dans des circonstances identiques ou similaires, qu’un examen en temps utile ne serait guère possible dans un cas particulier et que la réponse est d’intérêt public en raison de son importance fondamentale (consid. 3).
Selon une jurisprudence constante, le locataire qui, sur la base d’une décision, a été expulsé de son logement ou l’a quitté par lui-même ne possède pas d’intérêt pratique et actuel à l’annulation ou la modification de la décision d’expulsion (consid. 3).
Le prononcé de mesures provisionnelles sur la base de l’art. 104 LTF présuppose qu’elles se rapportent à la décision qui fait l’objet du recours au Tribunal fédéral ; ce dernier n’est pas compétent pour prononcer d’autres mesures provisionnelles (consid. 4).
TF 4A_251/2024 du 15 juillet 2024
Divers; procédure; restitution de délai; notion de défaut (au sens procédural); pacte d’emption; conditions de forme; art. 50 al. 1 LTF; 216 al. 2 CO
L’art. 50 al. 1 LTF permet à la partie d’obtenir une restitution de délai lorsqu’elle ou son mandataire a été empêché d’agir dans le délai fixé sans avoir commis de faute. L’application de cette disposition présuppose un défaut, ce qui s’analyse au regard des art. 44 ss LTF. La partie n’est pas défaillante si elle-même, son représentant légal ou un tiers accomplit l’acte de procédure dans les délais. Dans ce cas, il n’y a pas de place pour une restitution de délai (consid. 2.2.1).
Un droit d’option est un acte juridique soumis à une condition suspensive. Il peut notamment conférer à l’ayant droit le pouvoir, par une déclaration de volonté unilatérale, non seulement d’obliger l’autre partie à conclure un contrat principal (consid. 3.3.1).
Le droit d’emption est un type de droit d’option. Il confère à une partie le pouvoir d’acquérir une chose par une déclaration de volonté unilatérale. Si un pacte d’emption détermine à l’avance le prix d’achat, il n’est valable que s’il a fait l’objet d’un acte authentique (art. 216 al. 2 CO). La forme authentique s’applique aux points essentiels du contrat ; elle ne s’étend pas aux éléments étrangers à ce type de contrat (pour autant que ce qui a été promis ne soit pas intégré dans le rapport d’échange du pacte d’emption en tant que contre-prestation supplémentaire d’une partie) (consid. 3.3.2). Les pactes d’emption non valables en la forme sont en principe nuls, c’est-à-dire absolument inefficaces (consid. 3.4.1).
Si le droit d’emption est exercé, un nouveau contrat n’est pas conclu : au contraire, le contrat de vente sous condition suspensive devient un contrat de vente sans condition. La déclaration par laquelle le droit est exercé n’est donc pas soumise à la forme authentique (consid. 3.3.3).
TF 4A_82/2024 du 19 août 2024
Divers; sous-location; dispositions générales; modification unilatérale du contrat de bail au détriment du locataire; abus de droit; art. 269d al. 2 et 3 CO; 270b CO; 2 CC
Selon l’art. 269d al. 2 CO en lien avec l’al. 3, les modifications du contrat au détriment du locataire, faites unilatéralement par le bailleur sont nulles lorsqu’elles ne sont pas notifiées au moyen de la formule officielle, lorsque les motifs ne sont pas indiqués ou lorsqu’elles sont assorties d’une résiliation ou d’une menace de résiliation (consid. 3.1.1).
Si les conditions de l’art. 269d al. 2 CO sont respectées, le locataire a tout de même la possibilité de contester les modifications unilatérales à son détriment lorsque celles-ci sont abusives (art. 270b CO). Le caractère abusif s’examine au regard de l’art. 2 CC (consid. 3.1.2) et en fonction des circonstances concrètes du cas (consid. 3.3.2).
Le droit de sous-louer du locataire est limité par l’interdiction de l’abus de droit : ainsi, la sous-location n’est admissible que si le locataire a l’intention de réintégrer la chose louée dans un avenir prévisible (par exemple en cas de séjour à l’étranger). En l’espèce, le Tribunal fédéral juge admissible l’introduction d’une clause autorisant la sous-location partielle de manière illimitée et limitant la sous-location de l’ensemble du logement à une durée d’un an (consid. 3.3.1).
Le Tribunal fédéral considère en outre qu’introduire une clause obligeant le locataire à informer le bailleur de sa situation économique et de l’évolution de ses revenus est admissible, car en l’occurrence, cette information est liée au fait que les loyers proposés par la bailleresse sont inférieurs aux prix du marché. Du point de vue de la protection des données personnelles, même si le locataire s’oppose à un tel traitement de données personnelles, celui-ci est justifié par l’intérêt prépondérant de la bailleresse : en effet, il est en relation directe avec la conclusion ou l’exécution d’un contrat (art. 30 al. 2 let. a LPD) (consid. 3.3.4).
TF 4A_105/2024 du 19 août 2024
Divers; sous-location; dispositions générales; modification unilatérale du contrat de bail au détriment du locataire; abus de droit; art. 269d al. 2 et 3 CO; 270b CO; 2 CC
Selon l’art. 269d al. 2 CO en lien avec l’al. 3, les modifications du contrat au détriment du locataire, faites unilatéralement par le bailleur sont nulles lorsqu’elles ne sont pas notifiées au moyen de la formule officielle, lorsque les motifs ne sont pas indiqués ou lorsqu’elles sont assorties d’une résiliation ou d’une menace de résiliation (consid. 3.1.1).
Si les conditions de l’art. 269d al. 2 CO sont respectées, le locataire a tout de même la possibilité de contester les modifications unilatérales à son détriment lorsque celles-ci sont abusives (art. 270b CO). Le caractère abusif s’examine au regard de l’art. 2 CC (consid. 3.1.2) et en fonction des circonstances concrètes du cas (consid. 3.3.2).
Le droit de sous-louer du locataire est limité par l’interdiction de l’abus de droit : ainsi, la sous-location n’est admissible que si le locataire a l’intention de réintégrer la chose louée dans un avenir prévisible (par exemple en cas de séjour à l’étranger). En l’espèce, le Tribunal fédéral juge admissible l’introduction d’une clause autorisant la sous-location partielle de manière illimitée et limitant la sous-location de l’ensemble du logement à une durée d’un an (consid. 3.3.1).
Le Tribunal fédéral considère en outre qu’introduire une clause obligeant le locataire à informer le bailleur de sa situation économique et de l’évolution de ses revenus est admissible, car en l’occurrence, cette information est liée au fait que les loyers proposés par la bailleresse sont inférieurs aux prix du marché. Du point de vue de la protection des données personnelles, même si le locataire s’oppose à un tel traitement de données personnelles, celui-ci est justifié par l’intérêt prépondérant de la bailleresse : en effet, il est en relation directe avec la conclusion ou l’exécution d’un contrat (art. 30 al. 2 let. a LPD) (consid. 3.3.4).
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