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Newsletter janvier 2018
Editée par Bohnet F., Carron B., Dietschy-Martenet P.
TF 4A_62/2017 du 22 novembre 2017
Généralité; bail commercial; contrat de remise de commerce; invalidation du contrat pour cause de dol; art. 20 al. 2, 28, 31 CO; 2 CC
La partie induite à contracter par le dol de l’autre n’est pas obligée, même si son erreur n’est pas essentielle ; la tromperie peut résulter dans l’affirmation de faits faux ou la dissimulation de faits vrais (dol par commission) ou dans le fait de s’abstenir de détromper la victime déjà dans l’erreur en gardant le silence sur un fait que la partie avait l’obligation de révéler d’après la loi, le contrat ou les règles de la bonne foi (dol par omission) ; la victime d’un dol peut soit invalider le contrat, dans un délai péremptoire d’un an, soit le ratifier ; lorsque le dol porte sur une clause très accessoire du contrat, le juge doit examiner si, sans le dol, la victime n’aurait pas conclu dans les mêmes conditions ; en outre, lorsque l’invalidation totale paraît choquante dans l’hypothèse où le dol n’a été qu’incident, le juge peut la refuser et se borner à réduire les prestations de la victime du dol dans la mesure où cette partie aurait conclu le contrat si elle n’avait pas été trompée ; il s’agit d’appliquer par analogie l’art. 20 al. 2 CO ; dans tous les cas, le droit d’invalider doit s’exercer selon les règles de la bonne foi ; en l’espèce, les parties ont conclu un contrat de remise de commerce portant sur la vente d’installations mobilières du tea-room litigieux ainsi que sur le goodwill de celui-ci ; le contrat mentionnait expressément le transfert du bail à l’acquéreur par le vendeur ; or le vendeur a dissimulé le fait que la bailleresse avait quelques mois plus tôt résilié le bail pour défaut de paiement du loyer ; en outre, il a caché à l’acquéreur la décision du service administratif compétent refusant la prolongation de la licence d’exploiter le tea-room et ordonnant la fermeture de celui-ci ; il y a donc eu dol par commission ; l’acquéreur a certes invalidé le contrat, mais il l’a fait quelques jours avant d’entrer en possession des locaux en tant que locataire, après avoir contracté directement avec le propriétaire des lieux ; une invalidation totale du contrat de remise de commerce apparaît dans les circonstances d’espèce contraire aux règles de la bonne foi, puisque, lorsqu’il a invalidé le contrat, l’acquéreur savait qu’il profiterait des objets liés au tea-room ainsi que de son goodwill ; seule une invalidation partielle entre donc en ligne de compte, consistant à réduire la prestation du repreneur, soit le prix, au montant qu’il aurait payé s’il n’avait pas été trompé (consid. 2 à 4).
Commentaire de l'arrêt TF 4A_62/2017
Blaise Carron
Professeur à l'Université de Neuchâtel, LL.M. (Harvard), Dr en droit, avocat spécialiste FSA droit du bail, avocat spécialiste FSA en droit de la construction et de l’immobilier
TF 4A_175/2017 du 27 novembre 2017
Transfert; bail commercial; vente d’un fonds de commerce conditionnée au transfert de bail; attribution de l’acompte versé en cas de non-exécution du contrat; art. 263 CO; 9 Cst.
Lorsque les parties concluent un contrat de vente de fonds de commerce et prévoient dans celui-ci les conséquences en cas de non-transfert de bail sur le montant consigné à titre d’acompte, le juge doit déterminer qui, du vendeur ou de l’acheteur, est à l’origine de la non-exécution du contrat de vente ; en l’espèce, il résulte des constatations cantonales que l’exécution du contrat n’a pas eu lieu à cause du comportement de la société acheteuse, puisque celle-ci s’est rétractée (consid. 2).
TF 1C_123/2017 du 23 novembre 2017
Droit public; régime de l’autorisation en cas de transformation d’une société immobilière d’actionnaires-locataires en PPE; primauté du droit privé fédéral; fraude à la loi; art. 39 LDTR/GE; 2, 641 al. 1 CC; 5 al. 3, 9, 49 al. 1 Cst.
Selon la loi genevoise sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR), l’aliénation d’un appartement jusque-là offert à la location est soumise à autorisation dans la mesure où ledit appartement entre dans une catégorie de logements pour lesquels sévit la pénurie ; le but poursuivi, qui procède d’un intérêt public important et reconnu, est de préserver l’habitat et les conditions de vie existants ; cette réglementation est conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété, dans la mesure où l’autorité administrative a effectué une pesée des intérêts en présence et évalué l’importance du motif de refus au regard des intérêts privés en jeu ; cette réglementation doit par ailleurs s’appliquer à tous les types d’aliénation ; en l’espèce, l’immeuble litigieux était à l’origine propriété d’une SI et les appartements étaient affectés à la location ; la SI a ensuite vendu 29 certificats d’actions donnant le droit à leurs détenteurs de louer une partie de l’immeuble ; puis, quelques semaines plus tard, l’immeuble a été soumis au régime de la propriété par étages en vue de transférer aux actionnaires-locataires la propriété des lots correspondant aux certificats ; une telle opération impliquait un changement dans le régime de propriété, avec pour but l’individualisation des appartements, ce qui pouvait justifier d’exiger une autorisation au sens de la LDTR (consid. 3.2).
Les cantons sont libres d’édicter des mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif, notamment en soumettant à autorisation les aliénations de logements offerts à la location ou en imposant un contrôle des loyers ; ces dispositions ne sont en principe pas contraires aux règles du droit civil fédéral qui régissent la vente et le contrat de bail ni à celles relatives à la PPE ; cela vaut quel que soit le mode d’aliénation, partant également lors de la liquidation d’une SIAL (consid. 3.3).
Il y a fraude à la loi lorsqu’un justiciable évite l’application d’une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d’une autre norme permettant d’aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit ; la norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner ; ces principes s’appliquent aussi dans le domaine du droit administratif ; l’abus de droit, pour être sanctionné, doit être manifeste ; ainsi, lorsqu’une SIAL est créée et qu’elle est ensuite rapidement transformée en PPE sans qu’aucune raison plausible ne justifie le choix de la première forme juridique, l’autorité peut légitimement soupçonner que cette succession est uniquement destinée à profiter de la tolérance dont le département faisait preuve à cet égard ; tel est bien le cas en l’espèce (consid. 4).
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