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Newsletter Bail - Rétrospective 2024
ATF 150 III 71 - TF 4A_252/2023 du 24 octobre 2023
Loyer; bail avec loyer indexé; adaptation du loyer à l’échéance du bail indexé; art. 269b CO
L’art. 269b CO permet de conclure un contrat de bail avec loyer indexé en référence à l’indice des prix à la consommation pour une durée minimale de cinq ans. A l’échéance de ce bail, si le contrat est reconduit – expressément ou tacitement – en bail de durée indéterminée, il n’est plus indexé (sauf convention contraire) (consid. 3.2).
Si le locataire ou le bailleur souhaite demander une adaptation du loyer à l’échéance du bail à loyers indexés en raison d’une variation du taux hypothécaire de référence depuis le début de la période d’indexation, il doit le faire pour la fin de la période d’indexation en respectant le délai de résiliation convenu. A défaut, il faut considérer que les parties acceptent le loyer payé jusqu’ici. Si ce délai n’est pas respecté, le taux hypothécaire de référence déterminant sera celui en vigueur à la date à laquelle le bail aurait pu être résilié en respectant le délai de préavis (consid. 3.5).



Commentaire de l'arrêt ATF 150 III 71 - TF 4A_252/2023
Adaptation du loyer à l’expiration de la période d’indexation – point de référence temporel pour déterminer l’évolution du taux hypothécaireATF 150 III 123 - TF 4A_121/2023 du 29 novembre 2023
Loyer; contestation du loyer initial; hausse massive; présomption du caractère abusif; affaiblissement de la présomption; logements de comparaison; statistiques; art. 11 al. 1 et 4 OBLF
Selon l’ATF 147 III 431, lorsque le loyer initial a été augmenté massivement par rapport au loyer du précédent locataire, il existe une présomption que le loyer est abusif. Il appartient alors au bailleur d’affaiblir cette présomption en éveillant des doutes fondés quant à sa véracité. Pour ce faire, le bailleur peut présenter des statistiques qui ne satisfont pas entièrement aux critères de l’art. 11 al. 4 OBLF ; il peut également présenter des logements de comparaison, qui ne doivent pas être examinés avec la même rigueur que lorsqu’il s’agit réellement de prouver que le loyer se situe – ou pas – dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier (consid. 4.3).
Dans le cadre de l’affaiblissement de la présomption, s’agissant des logements de comparaison, il suffit d’exclure – parmi les logements présentés – ceux qui ne sont manifestement pas comparables avec l’objet de référence (consid. 4.4.2 et 4.4.3). Le Tribunal fédéral souligne que la jurisprudence selon laquelle des logements qui présentent des différences importantes en matière d’exposition au bruit ne sont pas comparables concerne avant tout la preuve stricte et non l’affaiblissement de la présomption du caractère abusif (consid. 4.4.3).
En outre, le fait que le bail précédent ait été de longue durée doit être pris en compte pour déterminer si le bailleur a réussi à éveiller des doutes fondés relatifs à la présomption (consid. 4.5.2).
Dans le cas présent, le Tribunal fédéral retient – contrairement aux instances précédentes – que la bailleresse a bien réussi à éveiller des doutes fondés quant à la présomption du caractère abusif du loyer (consid. 5.4). De ce fait, la présomption tombe et la locataire doit apporter la preuve stricte que le loyer initial contesté ne correspond pas aux loyers usuels du quartier et est abusif à l’aide de statistiques satisfaisant aux critères de l’art. 11 al. 4 OBLF ou en présentant cinq logements de comparaison. La locataire n’ayant pas apporté cette preuve, le loyer initial (fixé à CHF 1'060.- net) doit être considéré comme non abusif (consid. 6 ss).



Commentaire de l'arrêt ATF 150 III 123 - TF 4A_121/2023
Caractère abusif du loyer initial d’un immeuble ancien : quelques précisions au sujet du renversement de la présomptionTF 4A_645/2023 du 25 janvier 2024
Poursuite et faillite; contrat de bail en tant que reconnaissance de dette; mainlevée provisoire; moyens libératoires du locataire; art. 82 LP; 259a al. 1 let. b et c; 259b let. a, 259d, 259e, 266g al. 1 CO
Le contrat de bail signé constitue, en principe, une reconnaissance de dette (au sens de l’art. 82 al. 1 LP) et justifie la mainlevée provisoire de l’opposition pour le montant du loyer échu. En signant le contrat de bail, le locataire reconnaît son obligation de payer le loyer non seulement pour la durée d’occupation de l’objet loué, mais pour toute la durée contractuelle (consid. 3.1).
Conformément à l’art. 82 al. 2 LP, le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable sa libération (consid. 3.2). En matière de bail à loyer, le locataire et débiteur peut notamment faire valoir qu’il ne doit pas les loyers, car (consid. 3.2.2) :
- il a résilié le contrat de bail avec effet immédiat en application de l’art. 259b let. a CO, ce qui requiert de rendre vraisemblable l’existence d’un défaut grave de la chose immobilière louée ;
- il a résilié le bail conformément à l’art. 266g al. 1 CO, ce qui requiert de rendre vraisemblable l’existence de justes motifs rendant l’exécution du contrat intolérable ;
- il est titulaire d’une créance en compensation envers le bailleur, parce que la chose louée est affectée de défauts justifiant une réduction du loyer (art. 259a al. 1 let. b et 259d CO) ou des dommages-intérêts (art. 259a al. 1 let. c et 259e CO), ce qui nécessite de rendre vraisemblable le montant et l’exigibilité de la créance compensante ainsi que le montant exact à concurrence duquel la dette serait éteinte.


Commentaire de l'arrêt TF 4A_645/2023
Mainlevée provisoire pour des loyers impayés et défauts de la chose louée : de l’angélisme à la preuve diaboliqueTF 4A_201/2023 du 9 octobre 2023
Procédure; comparution personnelle en audience de conciliation; changement de jurisprudence; formalisme excessif; abus de droit; art. 204 et 206 CPC; 29 al. 1 Cst.; 2 al. 2 CC
En procédure de conciliation, les parties doivent comparaître personnellement (art. 204 al. 1 CPC). Pour ce faire, les personnes morales doivent être représentées par un organe ou par une personne au bénéfice d’une procuration commerciale portant sur la procédure et connaissant le litige, étant précisé que la représentation par un organe de fait n’est pas admissible (consid. 3.1.1). L’autorité de conciliation doit vérifier que les conditions de la comparution personnelle sont remplies. Si une partie ne comparaît pas personnellement, sans motif de dispense au sens de l’art. 204 al. 3 CPC, elle est défaillante ; les conséquences de ce défaut sont réglées à l’art. 206 CPC (consid. 3.1.2).
Un changement de jurisprudence n’est possible que si elle se fonde sur des motifs sérieux et objectifs. La nouvelle solution doit être justifiée par une meilleure compréhension de la ratio legis, un changement de circonstances extérieures ou une évolution des conceptions juridiques (consid. 3.5.1).
Il y a formalisme excessif, qui est une forme de déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.), lorsque des règles de forme rigoureuses s’imposent dans une procédure sans que cette rigueur ne soit objectivement justifiée, ou lorsque l’autorité applique des règles de forme avec une sévérité excessive ou pose des exigences excessives quant aux actes écrits, empêchant ainsi les parties de faire valoir leurs droits (consid. 3.6.1).
L’abus de droit est prohibé par l’art. 2 al. 2 CC. Pour savoir si une situation est constitutive d’abus de droit, l’ensemble des circonstances d’espèce doivent être prises en compte. Dans le cas présent, le Tribunal fédéral retient que la bailleresse et intimée commet un abus de droit en invoquant que la locataire et recourante n’était pas valablement représentée par C. lors de l’audience de conciliation. En effet, divers éléments démontrent que la bailleresse avait eu de nombreux contacts avec C. – y compris après la conciliation – et qu’elle considérait que C. était habilitée à prendre des décisions pour la locataire (consid. 4.3.3).


Commentaire de l'arrêt TF 4A_201/2023
Marie-Laure Percassi
Docteure en droit, collaboratrice scientifique à l'Université de Neuchâtel et avocate
TF 4A_134/2023 du 6 mars 2024
Résiliation; résiliation ordinaire; besoin propre du bailleur; congé contraire à la bonne foi; art. 271, 272 CO
Un contrat de bail qui contient une clause de reconduction tacite est un contrat de bail de durée indéterminée. Chaque partie est en principe libre de résilier un tel contrat pour la prochaine échéance contractuelle en respectant le délai de congé prévu. Le bailleur peut notamment résilier pour utiliser les locaux lui-même (consid. 3.1).
Lorsque le bail porte sur une habitation, le congé est toutefois annulable lorsqu’il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). En principe, tel n’est pas le cas d’un congé ordinaire donné par le bailleur pour pouvoir occuper lui-même l’habitation. Le seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire ou que l’intérêt du locataire au maintien du bail paraisse plus important que celui du bailleur à ce qu’il prenne fin ne rend pas le congé contraire à la bonne foi ; la pesée des intérêts n’intervient qu’au stade de l’examen de la prolongation du bail, à accorder par le juge, s’il y a lieu, en application de l’art. 272 CO (consid. 3.2.1).
En revanche, un congé ordinaire est en général contraire aux règles de la bonne foi lorsqu’il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection et qu’il apparaît ainsi purement chicanier, lorsque le motif invoqué ne constitue manifestement qu’un prétexte, lorsque la motivation du congé est lacunaire ou fausse ou encore lorsqu’il consacre une disproportion grossière entre l’intérêt du locataire au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (consid. 3.2.1).
Pour déterminer si un congé ordinaire contrevient aux règles de la bonne foi, il convient d’abord de déterminer le motif de congé invoqué. Cet élément relève de la constatation des faits, qui lie en principe le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). La question de savoir si le congé contrevient aux règles de la bonne foi est par contre une question de droit. Elle relève néanmoins du pouvoir d’appréciation du juge, de sorte que le Tribunal fédéral ne la revoit qu’avec retenue (consid. 3.3).


Commentaire de l'arrêt TF 4A_134/2023
Disproportion des intérêts en présence : limite entre faits et droitTF 4A_569/2022 du 19 mars 2024
Résiliation; procédure; résiliation par la faute du locataire; dommages et intérêts pour loyers non perçus; réduction du dommage en raison du comportement du bailleur; fardeau de la preuve; art. 44 al. 1, 257d CO; 8 CC
Le locataire qui a donné lieu, par sa faute, à la rupture prématurée du bail a l’obligation d’indemniser le bailleur pour le dommage qu’il lui a causé (dans le cas d’espèce, le contrat de bail avait été résilié pour défaut de paiement du locataire). Ainsi, le bailleur peut réclamer, à titre de dommage, les loyers fixés contractuellement qu’il n’a pas perçus du fait de la rupture anticipée du bail, cela pendant la période qui s’est écoulée entre, d’une part, la fin prématurée du bail, et, d’autre part, le terme pour lequel la chose pouvait être objectivement relouée, la date de l’échéance contractuelle ordinaire du bail initialement conclu en constituant la limite maximale (consid. 4.1).
Conformément à l’art. 44 al. 1 CO, le juge peut réduire les dommages-intérêts ou ne point en allouer si des faits dont le bailleur est responsable ont contribué à créer le dommage ou à l’augmenter, ou s’ils ont aggravé la situation du débiteur. Le bailleur doit ainsi prendre les mesures raisonnables aptes à contrecarrer la survenance du dommage ou son aggravation. Il lui incombe notamment de proposer les locaux à des tiers (consid. 4.2). En vertu de l’art. 8 CC, le bailleur titulaire de la prétention doit alléguer et prouver son dommage. Il lui incombe d’établir que, malgré de réels efforts, il n’a pas été à même de relouer le logement aussitôt après la résiliation du bail. En d’autres termes, il supporte le fardeau de la preuve de la durée pendant laquelle l’objet remis à bail ne pouvait pas être reloué (consid. 4.3).



Commentaire de l'arrêt TF 4A_569/2022
Dommage consécutif à la fin prématurée du bail causée par la partie locataireATF 150 III 257 - TF 4A_189/2022 du 22 mai 2024
Partie générale CO; résiliation; procédure; notion de protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC; chiffrement des conclusions; clause pénale; art. 84 al. 2, 243 al. 2 let. C CPC; 160 ss CO
L’art. 243 al. 2 let. c CPC prévoit notamment que la procédure simplifiée s’applique aux litiges portant sur des baux à loyer ou à ferme d’habitations et de locaux commerciaux en ce qui concerne la protection contre les congés. La notion de « protection contre les congés » s’applique de manière large (consid. 3.2.1) ; toutefois, elle ne s’applique pas aux litiges faisant suite à une résiliation lorsque celle-ci émane du locataire lui-même, que le bail soit de durée déterminée ou indéterminée. En effet, dans ce cas, il ne s’agit pas pour le locataire d’obtenir une protection contre le congé (car il n’est pas exposé au risque de devoir quitter les locaux loués contre son gré dans un avenir proche ou plus lointain) (consid. 3.2.2).
Selon l’art. 84 al. 2 CPC, les conclusions d’une demande condamnatoire tendant au paiement d’une somme d’argent doivent être chiffrées – ce qui sert notamment à déterminer la compétence matérielle, la procédure applicable et l’avance de frais. Cette exigence est également nécessaire au respect du droit d’être entendu de la partie adverse, qui doit pouvoir déterminer contre quoi elle doit se défendre. En l’espèce, le fait de conclure au paiement d’une peine conventionnelle « de 500 fr. par jour à partir du 1er septembre 2018 jusqu’au 30 septembre 2021 au plus tard » respecte cette obligation, car la façon de calculer la prétention est claire (consid. 4.2).
La clause pénale (art. 160 ss CO) permet de prévoir le versement d’une peine dite conventionnelle en cas d’inexécution ou d’exécution imparfaite d’une obligation déterminée (obligation principale). Elle sert à assurer la bonne exécution des obligations contractuelles et est due même si le créancier n’a subi aucun dommage (consid. 6.1). L’art. 163 al. 3 CO permet au juge de réduire les peines qu’il estime excessives. Cette norme d’ordre public – destinée à protéger la partie faible contre les abus de l’autre partie – est impérative, de sorte que les parties ne peuvent y renoncer. Le débiteur doit alléguer et établir les faits qui justifient une réduction. Pour ce faire, il suffit qu’il résulte de ses écritures qu’il conteste la peine conventionnelle en considérant que son montant est trop élevé (consid. 6.2).





Commentaire de l'arrêt ATF 150 III 257 - TF 4A_189/2022
François Bohnet
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
Tribunal cantonal neuchâtelois – CACIV.2023.82 du 11 décembre 2023
Partie générale CO; procédure; administration des preuves en procédure d’appel; garanties en tant que co-débiteur solidaire; cautionnement; porte-fort; engagement solidaire; art. 316 al. 3 CPC; 493 al. 2 CO
Selon l’art. 316 al. 3 CPC, l’instance d’appel peut administrer des preuves. Cette disposition ne confère toutefois pas au recourant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l’administration de preuves. En particulier, l’instance d’appel peut refuser d’administrer un moyen de preuve régulièrement offert en première instance lorsque la partie a renoncé à son administration, notamment en ne s’opposant pas à la clôture de la procédure probatoire (consid. 1c).
Plusieurs garanties en faveur du locataire sont possibles en droit du bail. Un tiers peut ainsi s’engager à payer le loyer par cautionnement, promesse de porte-fort ou engagement solidaire. Le cautionnement par une personne physique dépassant la somme de CHF 2'000.- nécessite une déclaration revêtue de la forme authentique (art. 493 al. 2 CO), mais non les autres garanties (consid. 2.1 a et b).
Compte tenu de ces règles, le tribunal ne peut admettre qu’avec retenue le choix des parties en faveur de la promesse de porte-fort ou de l'engagement solidaire. Si une personne déclare qu’elle pourra être recherchée à la place du débiteur en tant que codébitrice solidaire au sens de l’art. 143 al. 1 CO, elle n’assume cette obligation que dans trois cas (consid. 2.1 b) :
- Si, de par sa formation ou ses activités, elle est rompue aux contrats de sûreté et connaît le vocabulaire juridique suisse usité dans ce domaine ;
- Si l’accord (i) atteste que la personne garante connaissait réellement la portée de son engagement et (ii) révèle les motifs qui ont détourné les parties de conclure un cautionnement ;
- Si la personne garante a un intérêt propre et marqué à l’exécution de l’obligation ou qu’elle en retire un avantage, que le créancier a connaissance de cet intérêt et qu’il peut donc apercevoir le motif pour lequel le garant se déclare prêt à assumer une obligation identique à celle du débiteur.



Commentaire de l'arrêt Tribunal cantonal neuchâtelois – CACIV.2023.82
Le « codébiteur solidaire » du locataire dans un bail d’habitation : engagement solidaire ou cautionnement déguisé ?TF 4A_611/2023 du 22 mai 2024
Partie générale CO; dispositions générales bail; résiliation; résiliation du bail; défaut de paiement; nullité; inefficacité; théorie de la réception absolue; double représentation; art. 257d CO
La résiliation du contrat de bail peut être nulle ou inefficace. Elle est nulle lorsqu’elle est affectée d’un vice grave, par exemple si elle ne respecte pas les art. 266l à 266n CO. Elle est inefficace (c’est-à-dire dénuée d’effet juridique) si elle ne satisfait pas aux exigences légales ou contractuelles auxquelles est subordonnée son exercice, par exemple si une résiliation est motivée par le non-paiement du loyer (art. 257d CO) alors que celui-ci avait bien été payé (consid. 3.2).
La communication de la résiliation du bail est soumise à la théorie de la réception dite absolue. Si le pli n’a pas pu être remis au destinataire, le pli est réputé reçu soit le jour même où l’avis de retrait est déposé dans la boîte aux lettres si l’on peut attendre du destinataire qu’il le retire aussitôt, sinon en règle générale le lendemain de ce jour. Le destinataire supporte donc le risque qu’il ne prenne pas, ou tardivement, connaissance de la manifestation de volonté de l’expéditeur, par exemple en cas d’absence ou de vacances (consid. 5.1).
La double représentation (c’est-à-dire la situation où un même représentant agit pour les deux parties au contrat) recèle un risque de conflit d’intérêts. Elle est inadmissible, sous réserve de deux exceptions : (i) lorsque la nature même de l’affaire exclut tout risque de léser le représenté (ce qui est notamment le cas lorsque l’acte est conclu aux conditions du marché) ou (ii) lorsque le représenté a consenti par avance ou a ratifié l’acte. Ces principes valent aussi pour la représentation légale d'une société par ses organes (consid. 6.1).




Commentaire de l'arrêt TF 4A_611/2023
Blaise Carron
Professeur à l'Université de Neuchâtel, LL.M. (Harvard), Dr en droit, avocat spécialiste FSA droit du bail, avocat spécialiste FSA en droit de la construction et de l’immobilier
ATF 151 III 16 - TF 4A_75/2022 du 30 juillet 2024
Loyer; loyers indexés; hausse de loyer; rénovations; taux de rendement admissible; invocation du critère du taux hypothécaire en réaction à la hausse; art. 269a let. b, 270c CO; 14 OBLF
En cas de hausse de loyer consécutive à une rénovation d’appartement (art. 269a let. b CO), les investissements à plus-value sont rentés – pour les besoins du calcul – au même taux que celui défini dans le cadre du calcul du rendement net admissible (application de la jurisprudence de l’ATF 147 III 14 concernant le contrôle du loyer initial). Est ainsi autorisé un taux de rendement de 2% en sus du taux hypothécaire de référence tant que celui-ci est égal ou inférieur à 2% (consid. 4.3.3).
Durant la durée fixe (d’au moins cinq ans) d’un bail à loyers indexés (« période d’indexation »), le loyer ne dépend (sauf contestation du loyer initial) que de la variation de l’ISPC (art. 270c CO) (consid. 5.1). Il existe une exception : si les parties l’ont expressément prévu, le loyer peut être augmenté si le bailleur fournit une prestation supplémentaire (art. 269a let. b CO), comme des travaux à plus-value (art. 14 al. 1 OBLF). Dans ce cas, le locataire ne peut toutefois pas invoquer en réaction des facteurs relatifs tels que l’évolution du taux hypothécaire de référence pour réclamer une réduction de loyer compensant, voire dépassant la hausse querellée (consid. 5.2).



Commentaire de l'arrêt ATF 151 III 16 - TF 4A_75/2022
François Bohnet
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
TF 4A_32/2024 du 1 octobre 2024
Dispositions générales CO; dispositions générales bail; résiliation; résiliation en la forme écrite; signature manuscrite; fax; abus de droit; art. 266l, 14 al. 1 CO; 2 CC
Selon l’art. 266l al. 1 CO, le congé des baux d’habitations et de locaux commerciaux doit être donné par écrit. Il s’agit de la forme écrite simple : la lettre de résiliation doit être signée à la main par le locataire ou son représentant (art. 14 al. 1 CO) (consid. 5.1.1). La résiliation est une déclaration de volonté soumise à réception. Elle ne déploie ses effets que lorsqu’elle est parvenue dans la sphère d’influence du destinataire, de sorte que celui-ci peut en prendre connaissance dans le cadre d’une activité commerciale normale (théorie de la réception absolue) (consid. 5.1.2).
L’envoi d’une résiliation par fax n’est pas conforme à l’exigence de forme susmentionnée : le destinataire d’un fax ne reçoit qu’une copie du document original, de sorte que la condition de la signature manuscrite fait défaut (consid. 5.4.5). Dans la mesure où une telle résiliation n’est pas formellement valable, elle ne permet pas de déclencher le délai de résiliation (celui-ci commence uniquement à courir lorsque le destinataire reçoit le courrier de résiliation original et signé, comme en l’espèce) (consid. 5.4.6).
Savoir s’il y a abus de droit (prohibé par l’art. 2 CC) s’examine au regard des circonstances du cas d’espèce. L’abus de droit n’est admis que restrictivement et peut être retenu si l’exercice d’un droit ne repose sur aucun intérêt digne de protection ou conduirait à une disproportion flagrante d’intérêts légitimes, si une institution juridique est utilisée contrairement à son but pour réaliser des intérêts qui ne relèvent pas de son domaine de protection ou en cas de comportement contradictoire (consid. 5.2.2).




Commentaire de l'arrêt TF 4A_32/2024
François Bohnet
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
Marie-Laure Percassi
Docteure en droit, collaboratrice scientifique à l'Université de Neuchâtel et avocate
TF 4A_339/2022 du 31 octobre 2024
Loyer; procédure; rendement brut; pourcentage à titre de rémunération des fonds propres investis; faits notoires; collaboration du bailleur à l’administration des preuves; art. 269a let. c CO; 151 CPC
Lorsqu’un immeuble est récent, le loyer est calculé à l’aide du critère du rendement brut de l’art. 269a let. c CO. Le rendement brut doit permettre de « couvrir les frais » du bailleur. Il représente le rapport exprimé en pour-cent entre le loyer net (à l’exclusion des frais accessoires) de l’objet loué et son prix de revient, c’est-à-dire les frais d’investissement (art. 15 al. 1 OBLF) dans la mesure où ceux-ci ne sont pas manifestement exagérés (art. 15 al. 2 OBLF). Le loyer admissible résulte donc de la multiplication suivante : prix de revient (de l’appartement) x taux de rendement brut admissible (consid. 4.2).
Pour calculer le taux de rendement brut admissible, on ajoute au taux hypothécaire de référence (i) les charges courantes et frais d’entretien du propriétaire appréhendés par un quotient (en principe 1,5 %) et (ii) un pourcentage à titre de rémunération des fonds investis (consid. 4.3). Le Tribunal fédéral considère que le pourcentage à titre de rémunération des fonds investis, qui avait initialement été fixé à 0,5 %, doit désormais être porté à 2 % tant que le taux hypothécaire de référence est inférieur ou égal à 2 % (application de la jurisprudence consacrée par l’ATF 147 III 14 en matière de calcul du rendement net) (consid. 7.2). Le prix de revient doit donc être multiplié par le taux hypothécaire de référence auquel on ajoute 3,5 % (1,5 % pour les charges courantes et frais d’entretien et 2 % à titre de rendement des fonds investis) si le taux hypothécaire est inférieur ou égal à 2 % (consid. 7.3).
Le taux hypothécaire de référence est un fait notoire au sens de l’art. 151 CPC, ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire de l’alléguer, ni de le prouver. Si une partie – comme en l’espèce – base ses calculs sur des taux hypothécaires de référence inexacts, le tribunal doit se référer aux chiffres (corrects) publiés par l’OFL (consid. 6.4).
Le bailleur doit collaborer loyalement à l’administration des preuves et fournir les éléments qu’il est le seul à détenir. Si les documents produits sont suffisants pour calculer le rendement, le caractère abusif du loyer est calculé sur cette base. Si les documents ne sont pas fournis ou sont insuffisants, et que carence ne peut pas être imputée au bailleur, il n’en subira pas de conséquences. En revanche, si le bailleur a, sans aucune justification, refusé ou négligé de produire les pièces comptables en sa possession, il faut examiner les moyens de preuve à disposition. Les statistiques cantonales ou communales – dont il peut être tenu compte lorsque le critère du rendement net s’applique – ne peuvent pas être utilisées pour calculer le rendement brut (car la méthode du rendement brut permet de fixer un loyer situé au-dessus du niveau des loyers du quartier) (consid. 8.2).




Commentaire de l'arrêt TF 4A_339/2022
Le rendement brut admissibleTF 4A_583/2023 du 12 août 2024
Loyers; contestation du loyer initial; critères absolus; rendement net; loyers usuels dans la localité ou le quartier; qualification d’immeuble ancien; art. 269, 269a al. 1 let. a CO; 270 al. 1 CO; 11 OBLF
En cas de contestation du loyer initial (art. 270 al. 1 CO), le contrôle de l’admissibilité du loyer ne peut s’effectuer qu’à l’aide de la méthode absolue. Dans l’application de cette méthode, les deux critères absolus que sont celui du rendement net (fondé sur les coûts) et celui des loyers du marché (c’est-à-dire les loyers comparatifs appliqués dans la localité ou le quartier) sont antinomiques, et partant exclusifs l’un de l’autre (consid. 3.1).
Le critère des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier, au sens de l’art. 269a let. a CO, est fondé sur les loyers du marché. D’une part, ces loyers peuvent être déterminés en se basant sur des logements de comparaison (art. 11 al. 1 OBLF), qui doivent être au moins cinq et présenter, pour l’essentiel, les mêmes caractéristiques que le logement litigieux. D’autre part, le tribunal peut appliquer la méthode des statistiques officielles (art. 11 al. 4 OBLF) (consid. 3.1.2.1).
Le critère absolu du rendement net a la priorité sur celui des loyers usuels dans la localité ou le quartier ; toutefois, pour les immeubles anciens, la hiérarchie des critères absolus est inversée : le critère des loyers usuels dans la localité ou le quartier l’emporte sur le critère du rendement net des fonds propres investis (consid. 3.2). Un immeuble est ancien si sa construction ou sa dernière acquisition remonte à trente ans au moins, au moment où débute le bail ; autrement dit, ce délai de trente ans commence à courir soit à la date de la construction de l’immeuble, soit à celle de sa dernière acquisition ; il doit être échu au moment où débute le bail (consid. 3.2).
Deux raisons expliquent l’application de la méthode des loyers usuels dans la localité ou le quartier lorsque l’immeuble est ancien : premièrement, les pièces comptables font fréquemment défaut, de sorte que le rendement net ne peut pas être calculé ; secondement, le montant de l’investissement n’est plus en phase avec la réalité économique (consid. 5.1).
Le Tribunal fédéral a eu l’occasion d’examiner à quel moment un immeuble est acquis – point de départ pour déterminer si un immeuble doit être qualifié d’« ancien » – dans plusieurs hypothèses, notamment en cas de succession légale, de partage successoral, de liquidation d’un régime matrimonial, de transfert d’immeuble dans le contexte d’une fusion par absorption, de fusion de deux institutions de prévoyance ou encore de vente d’actions d’une société immobilière (consid. 6.1).


Commentaire de l'arrêt TF 4A_583/2023
Contestation du loyer initial : quand peut-on considérer qu’un immeuble est « ancien » ?www.bail.ch
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